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Devant cet âtre vide où flambaient autrefois,
Pour égayer vos yeux, les chênes de vos bois,
Sachant vains mes labeurs et ma vie inutile
Et que déjà le temps funeste les mutile,
Evoquant votre image absente en la maison
Qui me vit naître et dont me charma l’horizon,
Emu, je cherche encore après tant d’infortunes
Parmi mes cheveux gris d’anciennes boucles brunes,
Et, comme un souvenir de mon passé confus,
Dans l’homme que je suis l’écolier que je fus.


SOIR AU CHAMP DES MORTS


Je m’habitue, enfin moins lâche, à la mort sainte
En venant chaque jour, terre qui me séduis,
Sur la tombe où, parmi les cyprès et les buis,
Reposeront mes os, que bercera leur plainte.

Car, désireux parfois du sommeil que j’attends,
Bien que m’effraye encor la grande nuit austère,
Mieux que moi tu le sais, ô maternelle terre,
Je ne dormirai pas dans ton ombre longtemps.

Je regretterai trop et la route suivie,
Et l’horizon limpide, et le pré familier,
Et surtout le vieux toit natal, pour oublier
Ce qui reste le charme intime de la vie.

Or, tes arbres, pour qui toute pluie est du sang,
Tes brins d’herbe, tes fleurs, qu’abreuvent les rosées,
Dans leur sève aspirant mes chairs décomposées,
Remonteront ma cendre au jour éblouissant.