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Franche mesnie, que porrés devenir,
Quand je vos lais [laisse] ?


Le comte d’Artois voit les hommes de sa mesnie étendus « parmi le sablon. » Les ennemis les ont tués de leurs épieux carrés. « Sa mesnie est là, morte et sanglante ; de sa main droite il la bénit ; sur elle il s’attendrit et pleure ; ses larmes lui coulent jusqu’à la ceinture. » (Girart de Roussillon.)

Issue de la famille, la mesnie en a les caractères et dans les textes latins — en l’absence de l’expression mesnie, — elle est désignée par le mot familia.

La mesnie se développe à son tour et produit le fief, à la tête duquel est placé le baron féodal. Chef d’une mesnie plus puissante, plus étendue, celui-ci puise dans l’autorité du chef de famille un pouvoir fait des mêmes élémens.

C’est ainsi que, dans la formation de notre civilisation, la mesnie a joué, entre la famille et le fief, un rôle très exactement semblable à celui de la phratrie entre la famille et la tribu de l’ancienne Grèce, à celui de la gens entre la famille et la curie romaines.

Le fief apparaît au moyen âge comme une famille plus étendue dont le suzerain est le père. Si bien que, pour désigner l’ensemble des personnes réunies sous la suzeraineté d’un chef féodal, on rencontre fréquemment dans les textes des XIIe et XIIIe siècles, époque où le régime féodal atteignit son plein épanouissement, le même mot familia.

L’assimilation entre le seigneur, chef du fief, et le père, chef de la famille, se rencontre avec précision dans les textes du temps.

Maintes fois les historiens en ont fait l’observation : le fief est un petit Etat muni de tous les organes nécessaires à une existence complète et indépendante. On y voit une armée groupée autour du suzerain et qui obéit à ses ordres ; en temps de paix même, elle suit ses instructions ; on y voit des vassaux qui doivent le service de conseil et forment autour de leur seigneur un comité de gouvernement, le cas échéant, une cour de justice.

Au Xe siècle, dans les chartes et dans les chroniques, l’ensemble des personnes placées sous l’autorité du père de famille est appelé familia ; l’ensemble des personnes placées sous l’autorité