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du seigneur, chef de la mesnie, est appelé familia ; l’ensemble des personnes réunies sous l’autorité du baron, chef du fief féodal, est appelé familia ; et le territoire sur lequel s’exerce leur autorité, qu’il s’agisse du chef de famille, du chef de mesnie ou du baron féodal, s’appelle uniformément, dans les mêmes documens, patria.

De ces seigneuries, dont chacune représente un gouvernement autonome placé sous la direction d’un chef de famille, la France est composée au Xe siècle. On en compterait plusieurs milliers. Par elles le pays se gouverne. La réunion en forme la nation.

Or, en 987, un de ces barons féodaux, celui qui incarnait de la manière la plus complète et la plus puissante les caractères qui marquaient chacun d’eux, fut porté, — sous l’impulsion qui poussait la France à l’organisation de ses forces vives, — au sommet du groupe social : Hugues Capet devint roi.

Par quel argument Adalbéron, archevêque de Reims, a-t-il appuyé la candidature du nouveau souverain, devant l’assemblée des grands du royaume ? « Vous aurez en lui un père ; nul jusqu’à présent n’a invoqué en vain son patronage. »

Par l’intermédiaire du baron féodal, le pouvoir royal est donc sorti de l’autorité qu’exerçait le père de famille. Selon le mot de Hugues de Fleuri (XIe siècle) : « Le Roi représente dans le royaume l’image du père. » Et gardons-nous de ne voir ici qu’une filiation abstraite, une origine lointaine, qui se dessinerait par des formes extérieures, par des mots ou des formules ; car nous constatons là une origine directe, établie par des faits précis et concrets, formée d’élémens essentiels, et dont nous verrons les conséquences se répéter de siècle en siècle de la manière la plus vivante.


II. — LE MÉNAGE DE LA ROYAUTÉ

Après être remontés aux sources du pouvoir royal dans l’ancienne France, voyons quelle en a été la mécanique, comme aurait dit Saint-Simon. Y retrouverons-nous les conséquences de ces origines familiales ?

Rien n’est plus difficile à un esprit moderne que de se représenter ce qu’était dans l’ancienne France la personnalité royale, d’éprouver à nouveau les sentimens par lesquels les