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imprenable sur sa butte fortifiée ; mais, avec les premiers Capétiens, la famille royale devient vagabonde, sans cesse en route sur les chemins de Paris et d’Orléans, allant de Melun à Étampes, de Saint-Denis à Pontoise ou à Compiègne, à Mantes ou à Poissy. Les haquenées blanches, ornées de garnemens de samit aux arçons travaillés à jour, les mules ferrées d’argent et couvertes de sambues claires à œuvre d’or menue, où sont montées la Reine et les filles de sa maison, se groupent en gracieuses chevauchées. Les écuyers, qui les accompagnent, portent à leurs poings faucons, vautours et éperviers, et les garçons mènent en laisse chiens et brachets, viautres et lévriers. Avec les sommiers chargés de lourds coffres en bois de chêne bardés de fer, recouverts de tapis, et les chariots entoilés qui renferment les richesses du Trésor et les hardes de la garde-robe, ils forment de longues files sur les voies sillonnées de fondrières. Par derrière viennent, sur leurs roncins, les clercs de la chapelle habillés de noir ; mêlés aux queux et aux fourriers, les taboureurs, vielleurs et ménétriers, vêtus de couleurs voyantes, les uns mi-partis, les autres en manteau rouge et capuce jaune, les autres en chape et en chausses vertes. Le cortège est accompagné d’une petite troupe de chevaliers, dont une partie ouvre la marche, tandis que l’autre protège l’arrière. Par-dessus les halliers ou les buissons qui bordent les chemins creux, saillent les pointes de leurs lances en bois de frêne, au haut des- quelles « baloient, » fixés par des clous de cuivre, les longs gonfanons aux vives couleurs, dont les franges d’or retombent jusque sur la main à ceux qui en sont armés. A leur cou pendent les écus oblongs, les écus « de quartier, » c’est-à-dire coupés de bandes de métal doré, peinturés d’emblèmes héraldiques, de fleurs et d’animaux. Ils sont vêtus de leurs hauberts à mailles menues avec manches et gorgerin ; leur tête s’abrite sous le heaume d’acier bruni, en forme d’œuf, où glissent les coups d’épée, le heaume à visière et à ventail qui ne laisse à découvert que les yeux.

Quant au pouvoir exécutif, il se trouve naturellement entre les mains des domestiques attachés à la famille régnante. Ceux-ci se groupent en six métiers (ministeria), en six ministères : la cuisine, la paneterie, l’échansonnerie, la fruiterie, l’écurie et