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abattues les sauterelles, car peu de villes étaient assez vastes pour contenir tant de gens. Alors sous les murailles des cités, dans la plaine, on dressait des campemens, où l’on voyait briller, à la lumière du jour, les toiles aux couleurs claires des trefs et des pavillons.

A l’occasion de la Cour plénière, le Roi s’est fait faire une robe neuve, une robe d’écarlate « noire comme mure. » Il s’est fait faire « un mantel d’escarlate vermeille, fendu à un costé, et chaperon de mesme étoffe tout fourré d’hermine, » manteau et chaperon ornés de pierres précieuses. Mais à la messe solennelle qu’a dite un des principaux prélats du royaume et par laquelle la Cour plénière s’est ouverte, il n’a pas mis ce vêtement d’écarlate, ni au festin qu’il préside le jour de la couronne, dies coronæ, ainsi nommé parce que ce jour le Roi paraît à table avec sa couronne qu’un évêque lui a posée au front.

Le « jour de la couronne » est le grand jour de la Cour plénière, le jour où le Roi paraît à table, couronne au front, entouré de sa famille, des princes du sang, des grands officiers et de tous ses sujets. La couronne qu’il a ceinte à cette occasion n’est pas celle du sacre, mais une autre couronne plus légère et plus facile à porter. Il a attaché à sa ceinture l’épée au pommeau d’or, il a chaussé les bottines de soie azurée, fleurdelisée d’or, il a vêtu la robe de cendal azuré, battu d’or aux armes de France, et s’est montré ainsi, dans le costume le plus auguste de sa majesté, à ses sujets réunis. Après quoi, il a repris le surcot d’écarlate ou de samit vermeil sous lequel il apparaîtra aux différens repas qui vont se succéder pendant plusieurs jours. C’est le « tinel. »

Le tinel est la table ouverte à tout venant, où le Roi reçoit son peuple, la famille entière. Sous les hautes voûtes des palais, dans les cours, dans les prés qui les environnent, dans les rues de la cité, de longues tables sont dressées et le peuple est convié parle cri des hérauts. S’assied qui veut. Les viandes sont servies en abondance. Aux carrefours, on défonce des tonneaux de vin.

Le prince tient « état royal. »

On trouve une description très précise d’une grande cour tenue par saint Louis à Saumur, dans la pittoresque chronique du bon sire de Joinville.

Le Roi, à la table où il est assis, entouré des princes du