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sang et des principaux personnages du royaume, est servi par ses grands officiers et parfois ceux-ci, quand le repas est en plein air, le servent à cheval. Le jour de la couronne, c’est-à-dire le jour où le prince mange couronné, avec appareil, le banquet est silencieux. On écoute le grand chambellan qui fait la lecture à haute voix. Le chambellan lit généralement les histoires où sont rappelées les gestes des hommes illustres ; mais, les jours suivans, ces agapes s’accompagnent de la plus tumultueuse gaîté. Les ménestrels font entendre les instrumens les plus divers et les tombéours font leurs farces et cabrioles. On voit leurs petits singes, dans leurs costumes d’écarlate à branlans d’or, grimper sur le des des convives. Les hérauts d’armes, avec des hanaps remplis de pièces de monnaie, se jettent parmi le peuple en criant : « Largesse ! largesse ! » et font voler autour d’eux l’argent répandu à pleines mains.

Monstrelet raconte que, en 1420, lorsque le roi d’Angleterre, Henri V, désigné roi de France par le traité de Troyes, célébra à Paris ses noces avec Catherine, fille de Charles VI, il y tint Cour plénière, comme l’avaient fait les princes aux fleurs de lis ses « prédécesseurs. » Les Parisiens se rendirent au Louvre en grand nombre, « pour voir lesdicts roy et royne séans ensemble en portant couronne, » mais, ajoute l’historien, « les peuples sans estre administrez de boire et de manger par nuls maistres d’hostel de léans. Ils partirent contre leur coutume, dont ils murmurèrent ensemble ; car, du temps passé, quand ils alloient en si haute solennité à la Cour de leur seigneur le roy de France, estoient administrez des gouverneurs de boire et de manger en sa Cour qui estoit à tous ouverte et là ceux qui se vouloient seoir estoient servis très largement par les serviteurs du roy, de viande d’iceluy. »

Trait où se marque la différence qu’on observait entre les mœurs des rois de France, demeurées patriarcales, et celles des monarques anglais.

En ces Cours ouvertes, le Roi ne se contentait pas de nourrir ses sujets ; le sénéchal distribuait en son nom


Chapes, surcots, cotes, mantiaus,


les fourrures, le vair et le gris, les des [peaux] de martres zibelines, les riches atours, garnemens et paremens, les armes, heaumes et hauberts et les écus peints à fleurs, les plats d’étain