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absorbantes et qui leur prennent plus de temps que les fonctions judiciaires dont ils sont chargés par surcroît, comme représentans de l’autorité royale. Ils sont placés sous les ordres du sénéchal, chef de la maison du Roi.

Gérans du domaine royal, ils deviennent avec le temps, — sous la force du mouvement qui a généralement déterminé l’évolution des institutions monarchiques, — des officiers publics. Pendant longtemps, ils ont été les seuls juges locaux, joignant d’ailleurs à ces attributions financières et judiciaires un rôle guerrier. Ils publient les semonces à l’ost royal et conduisent les contingens levés dans l’étendue de leur ressort. Ils deviennent les plus utiles auxiliaires du monarque.

On sait que l’institution des baillis, — cette première et, dans ses origines, cette très vague esquisse du gouvernement administratif, — n’apparaîtra que sous Philippe-Auguste, alors que la maison capétienne comptera déjà deux siècles de royauté.

Quant à un pouvoir législatif, il n’y en a pas. Un père ne fait pas de législation au sein de sa famille. « Si veut le père, si veut la loi. » Les Mérovingiens légiféraient, ainsi que les Carolingiens ; car leur autorité n’était pas de caractère patronal. Les Capétiens ne légifèrent plus. Comme le père parmi ses enfans, le Roi est, parmi ses sujets, « la loi vive. » Il gouverne son royaume comme une famille. « Si veut le Roi, si veut la loi. » Les ordonnances du Roi et de son conseil, quand elles entrent dans les mœurs, deviennent coutumières ; mais si la coutume ne les admet pas, elles n’ont qu’un effet passager. Au XVIIe siècle encore, Pascal et Domat pourront écrire : « La coutume, c’est la loi. » Et les Capétiens ne légiféreront pas jusqu’à la Révolution. On sait la célèbre réflexion de Mirabeau : « La place que la notion de loi doit occuper dans l’esprit humain était vacante dans l’esprit des Français. » Après 1789 seulement, quand le régime patronal aura été détruit, on reverra dans notre pays ce qu’on n’y avait pas vu depuis le iXe siècle, depuis les Carolingiens, un pouvoir législatif.


FRANTZ FUNCK-BRENTANO.