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REVUES ÉTRANGÈRES

A PROPOS DU CENTENAIRE
DE WILLIAM MAKEPEACE THACKERAY

Lorsque, l’année prochaine, tous les peuples de langue anglaise s’uniront pour célébrer le centième anniversaire de la naissance de Charles Dickens, c’est chose bien certaine que le public français, de son côté, se fera un devoir d’apporter à la mémoire de l’auteur de David Copperfield son tribut particulier d’affection et de gratitude. Charles Dickens ! je crains décidément de ne pouvoir jamais évoquer avec l’impartialité qu’il faudrait le souvenir d’un aussi fidèle compagnon, ami, et bienfaiteur de toute ma vie. Mais combien d’autres cœurs de chez nous, depuis un demi-siècle, ont été pareillement séduits par ce magicien : accoutumés peu à peu à plonger dans le merveilleux univers issu de sa fantaisie créatrice, ils se trouveraient, maintenant, tout à fait incapables d’en examiner « objectivement » la portée littéraire ou la vraisemblance ! Et s’il est sûr que dans d’autres pays, en Russie par exemple ou en Allemagne, tout le roman moderne s’est constitué et n’a point cessé de se développer sous l’influence immédiate de l’œuvre de Dickens, combien chez nous aussi cette influence a été féconde, ne serait-ce que pour opérer la transition qui nous apparaît aujourd’hui entre la forme et le contenu « romanesques » des récits d’un Balzac et de ceux d’un Flaubert ou d’un Alphonse Daudet ! Je ne crois pas que Walter Scott lui-même, ni autrefois Richardson, aient, sinon occupé plus de place dans nos âmes françaises, en tout cas réussi à y pénétrer plus profondément. De telle manière qu’en 1912, au moment où toutes les races anglaises proclameront, d’un élan unanime, leur tendre dévotion à l’égard d’un conteur que