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générale. Cette préparation technique et pratique, jusqu’à quel point la société de la première moitié du XVIIe siècle a-t-elle fourni aux femmes le moyen d’en tirer parti, jusqu’à quel point leur a-t-elle permis de se créer, grâce au travail de leurs mains, grâce à des aptitudes spéciales, une situation indépendante ? C’est ce que nous allons rechercher.

Pour peu qu’on réfléchisse à l’évolution du travail féminin, on croit bien y apercevoir une tendance vers une extension continue. Fondée sur des observations qui remontent assez haut dans notre histoire contemporaine, cette impression, — les économistes n’oseraient peut-être pas dire encore cette vérité, — ne saurait, en tout cas, être, pour l’historien qu’attire un plus lointain passé, autre chose qu’un postulat dont il lui appartient d’établir le bien fondé ou l’inanité pour un pays dé- terminé, pour un temps circonscrit. Au moment d’aborder, dans des limites précises, l’étude de la vie professionnelle de la femme, nous devons remarquer que la période que nous avons en vue s’ouvre au lendemain d’une guerre civile (1598) qui semble justement, en amenant une diminution de la population laborieuse, rendre opportun, nécessaire, un recours à la main-d’œuvre féminine.


Si l’on se fiait aux apparences, on se croirait autorisé à affirmer que la femme obligée de s’assurer des moyens d’existence, désireuse d’ajouter aux gains du mari, n’avait pas grand’chose à espérer pour cela de l’industrie et du commerce. Ce qui conduit à le penser, c’est que, pour se rendre compte de l’importance de son rôle industriel et commercial, on commence tout naturellement par s’enquérir de la place qu’elle pouvait occuper dans le régime corporatif. On est étonné alors de la rareté des corporations spécialement féminines. C’est au point qu’un avocat parisien croyait pouvoir aller jusqu’à dire à la barre qu’en dehors de la lingerie, il n’y avait pas à Paris de maîtrise jurée pour une femme. A prendre cette assertion au pied de la lettre, on aurait le droit de la considérer comme une grave erreur et l’on ne tardera pas à s’en convaincre. Mais évidemment maître Audiguier, notre avocat, pensait seulement aux corporations parisiennes où il n’entrait que des femmes, et alors il ne se trompait que de bien peu, car il n’oubliait pour Paris où il plaidait, que les bouquetières et les linières-chanvrières.