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maîtres qui faisaient jouir les leurs de la même faveur. C’est ainsi que, comme l’homme avait fait la situation de la femme survivante, celle-ci, à son tour, en procurait une à l’homme qui devenait son conjoint.

La femme commune en biens et commerçante engageait par ses opérations commerciales la communauté et le mari aussi bien qu’elle-même. Cette solidarité résultait de ce qu’elle était marchande publique. Mais qu’est-ce qui constituait une marchande publique ? Il s’éleva à ce sujet des divergences et, pour y mettre un terme, les réformateurs de la coutume de Paris (1580) distinguèrent le cas où la femme était associée au commerce de son mari et celui où elle faisait un commerce à part. C’est seulement dans ce dernier qu’ils la considéraient comme marchande publique, mais Coquille trouvait cette solution excessive, et il suffisait à ses yeux qu’elle fût intervenue notoirement dans les affaires de son mari.

Pour être moins apparent que celui du mari, le rôle des femmes de maîtres dans l’industrie et le commerce, même quand ceux-ci ne leur devaient pas la maîtrise, n’en avait pas moins une réelle importance. Cette importance était évidemment très inégale suivant l’intelligence, le caractère et l’activité de la collaboratrice qu’ils pouvaient trouver dans leur compagne. Nous savons bien qu’à Nîmes les femmes de commerçans étaient rarement en état de tenir la correspondance commerciale, mais, au point de vue de l’instruction féminine, cette ville était déshéritée parce que, comme nous l’avons remarqué ailleurs, les communautés enseignantes avaient été expulsées en 1562 par les protestans et n’avaient pas été remplacées dans leur rôle pédagogique jusqu’au jour où les Ursulines s’établirent dans la ville, c’est-à-dire jusqu’en 1637. Dans la France septentrionale, au contraire, en Flandre notamment, le livre de raison était dans les mains des femmes. Un livret du temps nous représente celles des commerçans parisiens comme tellement retenues à leur comptoir qu’elles n’ont pas le temps de surveiller leurs servantes.

On vient de voir comment, soit directement, soit indirectement, en titre ou en fait, les femmes arrivaient à la plénitude des droits corporatifs, devenaient des chefs d’établissemens, étaient associées à la direction des affaires. Mais, dans ce recensement sommaire, nous ne sommes pas encore sorti du milieu