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constitué par les corporations et, même dans ce milieu, il n’a encore été question que du plus haut degré de la hiérarchie. Pour se faire une juste idée du développement de la main-d’œuvre féminine, il faut descendre aux derniers rangs de cette hiérarchie, il faut même franchir les limites du monde corporatif. La vie professionnelle est beaucoup trop soumise aux besoins de ceux qui en vivent et plus encore de ceux du public pour avoir jamais pu se renfermer dans les cadres rigides de ce monde-là Elle s’est, sous l’empire de ces besoins, polarisée tour à tour vers la liberté ou vers le monopole et la réglementation, celle-ci venant presque constamment imposer une discipline à la première. Depuis la seconde moitié du XVe siècle, il est vrai, les circonstances avaient mis en faveur auprès du pouvoir royal et même dans une partie de l’opinion le système corporatif et les érections en maîtrises et en jurandes s’étaient beaucoup multipliées. Tout récemment, en 1581, en 1597, la royauté avait essayé de généraliser ce système, mais, si l’édit d’avril 1597 avait été moins impuissant que celui de décembre 1581, il n’avait pu lui-même avoir complètement raison de la résistance des habitudes et des intérêts, et le Conseil d’Etat, par un arrêt du 30 mai 1602, avait dû en limiter l’application à certains métiers et aux villes qui étaient des sièges d’évêchés, de présidiaux, de bailliages et de sénéchaussées. C’était certainement agrandir la sphère où prévalait déjà le régime des corporations, mais il faudrait savoir jusqu’à quel point il réussit à s’y implanter. Les vicissitudes de l’organisation professionnelle en Bourgogne peuvent en partie nous éclairer sur ce point. Dans cette province, les municipalités, la bourgeoisie urbaine s’étaient, dès le XVe siècle, montrées hostiles à l’existence des communautés, désireuses d’y substituer une liberté réglementée par l’administration locale. Dans la première moitié du XVIIe siècle, les cinq villes principales de la province, Autun, Chalon, Beaune, Dijon, Semur, obtinrent successivement l’abolition des maîtrises et jurandes, et ce ne fut qu’à la fin de cette période que, sous la pression de nécessités fiscales, elles y furent rétablies. Ce qu’il faut conclure de ces observations pour le sujet qui nous occupe, c’est que la main-d’œuvre féminine, depuis l’entrepreneuse jusqu’à l’ouvrière, échappait soit ouvertement, soit clandestinement à l’empire d’institutions moins générales qu’on ne le croit et qu’elle abondait