Page:Revue des Deux Mondes - 1911 - tome 5.djvu/573

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

que dans la quatrième catégorie sous la rubrique : métiers médiocres et petits. C’est qu’elle était loin de monopoliser à son profit le commerce de la toile en pièce et de la toile confectionnée, c’est qu’elle subissait la compétition des merciers et des marchands-toiliers forains. En ce temps-là, en effet, les privilèges professionnels étaient constamment limités par d’autres privilèges du même genre, et tous ensemble étaient subordonnés à l’intérêt plus ou moins bien compris du public. Ce n’était pas, on le croira sans peine, la libre concurrence qui réglait la mesure dans laquelle merciers et lingères participaient aux bénéfices du commerce des toiles et du linge. Pour restreindre à Paris celui de leurs concurrens, les lingères invoquaient un arrêt du parlement du 22 novembre 1603 qui ne permettait aux premiers d’y vendre que les marchandises achetées par eux au delà de vingt lieues. Elles obtinrent aussi un jugement du Châtelet qui défendit aux merciers d’employer des filles de magasin sortant de chez elles. Réciproquement, elles devaient s’abstenir de prendre des apprentis et des garçons de marchands merciers. La vente des toiles introduites dans la capitale par les marchands forains était organisée surtout en vue d’assurer au public l’achat direct. Concentrées dans la halle aux toiles où elles étaient soumises à la visite des gardes-jurées lingères, elles étaient jusqu’à midi réservées au public, à l’exclusion des commerçans-revendeurs qui n’étaient admis à s’approvisionner qu’à partir de cette heure-là et qui, même après, étaient tenus de céder aux bourgeois leurs acquisitions.

On comprend mieux encore le rang modeste que la classification de 1581 assigne à la communauté quand on sait qu’elle comprenait à Paris une catégorie de pauvres lingères qui jouissaient gratuitement, en vertu d’une donation de saint Louis, de places des Halles situées le long du mur du cimetière des Innocens. D’après une tradition recueillie par Savary dans son Dictionnaire du commerce, cette libéralité aurait eu pour but de les soustraire au désordre en leur procurant les moyens de gagner honnêtement leur vie. Il y a en effet des choses qui paraissent bien jeter un jour fâcheux sur la moralité de ces lingères pauvres : c’est, dans les lettres patentes d’août 1485, la sanction de l’inconduite et du scandale dont elles pouvaient se rendre coupables et, dans celles qui leur confirment la jouissance de leurs étaux, la condition de bonne conduite à laquelle