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elle est soumise. En 1485, les maîtresses lingères représentèrent à Charles VIII que, depuis la donation de son saint prédécesseur, elles avaient toujours exclu des halles et des réunions du métier les lingères diffamées par leurs mœurs. Il s’agissait d’après elles d’un métier notable qui avait d’autant plus besoin de considération que les bonnes familles parisiennes confiaient leurs filles aux lingères. Les requérantes se firent confirmer le droit d’interdire l’entrée de la communauté aux femmes compromises, de les exclure des assemblées et des fêtes corporatives, de la halle et même de la ville. On voit par là combien la communauté était jalouse de sa réputation, mais on aperçoit aussi qu’elle avait besoin de la défendre contre le tort que pouvait lui faire le relâchement moral de celles qu’on appelait les lingères de Saint-Louis. On ne saurait équitablement confondre les unes et les autres.

Tandis que la femme avait vu triompher dans la lingerie son indépendance et même sa prééminence professionnelles, elle n’était pas encore parvenue à faire reconnaître l’une et l’autre dans un domaine où elles auraient été mieux justifiées encore, dans la confection du costume féminin. Il existait bien des couturières, mais il n’existait pas de corporation de couturières. Ce n’est qu’en 1675 qu’elles seront érigées en maîtrises et en jurande. En principe, les tailleurs travaillaient pour les deux sexes, et quelques-uns se spécialisaient en vue de la clientèle féminine, mais, pour servir cette clientèle, ils recouraient à des ouvrières. Ces ouvrières peuvent être considérées comme des entrepreneuses, car elles prenaient des filles en apprentissage. A Bourges, l’élément féminin de la corporation était sorti de cette situation subalterne, il travaillait directement pour le public et, si celles qui le composaient ne reçoivent pas le titre de maîtresses, il ne leur manquait, pour avoir le même rang que les maîtres, que d’entrer dans la jurande. Il arriva souvent, en effet, que les couturières s’imposèrent par une compétence qui n’appartient qu’à elles. A Saint-Omer, par exemple, le magistrat, composant avec le fait accompli, les autorisa, le 1er août 1612, à faire des vêtemens d’enfans et à raccommoder, doubler, rapiécer, border et garnir de vieux effets, compromis qui fut confirmé en 1614. A Dijon, à partir du dernier quart du xvi c siècle, elles arrivèrent à vaincre la mauvaise volonté des tailleurs à qui il ne resta d’autre ressource