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que de les tourmenter par leurs visites. A Paris, il y eut aussi des couturières qui ne respectèrent pas mieux le monopole des tailleurs, et que l’autorité protégea également de sa tolérance sans pouvoir leur épargner non plus les vexations de leurs adversaires. Elles demandèrent alors au Roi à être érigées en maîtrises et en jurande et, pour l’obtenir, elles bornaient leur ambition à travailler pour le « commun peuple. » Soumise, le 21 octobre 1608, au lieutenant civil, leur requête échoua probablement contre l’opposition des tailleurs, car la suite n’en a laissé aucune trace. Vingt-quatre ans plus tard, en 1622, des efforts du même genre remportaient un succès partiel. Catherine Gallopine et ses filles avaient fourni au Roi, au duc d’Anjou, son frère, et aux autres enfans de France les costumes de leur bas âge, elles demandèrent à habiller les sujets de Sa Majesté. Le Roi leur accorda un brevet qui leur permît de travailler en toute liberté pour les enfans et les femmes. La déclaration royale du 30 mars 1675 qui érigea enfin les couturières en corps de métier, nous semble pouvoir être invoquée pour établir que, dès l’époque qui nous occupe, se fondait peu à peu un régime équivoque comme tous ceux qui résultent d’une lutte entre la légalité et les convenances du public. Ce régime se caractérisait de plus en plus par les capitulations de la première devant les secondes. Les considérans de la déclaration en sont la preuve. Révélant par la constatation du point d’arrivée le chemin parcouru, elles font valoir que l’usage de s’adresser aux couturières pour les « vêtemens de commodité, » c’est-à-dire non habillés, était devenu universel, que les poursuites et les condamnations n’y pouvaient rien et que leur érection en communauté n’était pas dès lors de nature à faire grand tort aux tailleurs dont le droit de confectionner les mêmes articles, comme tous les vêtemens de femmes et d’enfans, était d’ailleurs confirmé.

L’art d’orner la tête de celles-ci par des garnitures de différens genres et par l’arrangement des cheveux, l’art des modistes et des coiffeurs a été entre les deux sexes l’objet d’une rivalité qui a profité tour à tour à tous les deux. Dans la période que nous étudions, c’est bien les femmes qui paraissent l’emporter. Rouen possédait une communauté de coiffeuses-bonnetières-enjoliveuses, qui, forte de ses vieux statuts du XVe siècle confirmés et amplifiés par Henri III et Henri IV, résistait victorieusement