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La dentelle donnait lieu à une production qui embrassait des régions entières et faisait appel à toute une population féminine ou même enfantine qu’elle attirait dans des fabriques ou occupait à domicile, à la ville ou à la campagne. Les marchands lingers du corps de la mercerie parisienne avaient établi à Alençon, à Aurillac, à Sedan, à Loudun et ailleurs, des manufactures de passemens et de dentelles auxquelles ils assuraient par leurs commandes une grande activité. Pendant près de deux cents ans, à partir du commencement du XVIIe siècle, les membres de la famille des Guyard d’Argentan se succédèrent à la tête de la manufacture de point de France et de dentelle qu’ils avaient fondée dans cette ville et progressivement introduite dans divers endroits du royaume. Sous l’empire de la mode qui régna avec le plus de faveur à partir de 1620, les centres de l’industrie dentellière, déjà établie à Senlis, à Villiers-le-Bel, à Aurillac, se multiplièrent. En 1640, la fabrication accaparait tellement le fil et la population féminine du Velay que la toile enchérissait et que l’on ne trouvait plus de domestiques. Le parlement de Toulouse s’en émut et interdit le port de la dentelle, en même temps que celui du passement et du clinquant, mais cette interdiction fut presque aussitôt rapportée. Les ouvrières du Velay travaillaient dans une salle commune, sous la présidence d’une béate ou fille dévote, se partageant le loyer, économisant, dans ces chambrées, sur le feu et la lumière. Dans l’Ile-de-France, le travail de la dentelle s’était, dès les premières années du XVIIe siècle, beaucoup développé et il y affectait la forme d’une industrie domestique qui employait, dès l’âge de dix ans, des enfans des deux sexes.

Le produit obtenu à la fabrique ou au foyer de famille était recueilli et porté dans les foires ou de maison en maison par de nombreux colporteurs ; il était concentré et mis en vente dans les villes par certaines corporations, par exemple à Paris par les passementiers, à Rouen par les rubanières-frangères-dentellières, à Arras par les lingères et partout par les merciers.

La broderie ne faisait pas moins fureur que la dentelle et ce fut pour lui fournir sans relâche de nouveaux modèles de fleurs que Jean Robin créa le Jardin des Plantes.

Des arts industriels qui s’emploient à garnir et à décorer le vêtement aux industries des tissus il n’y a pas loin, et ici encore