Page:Revue des Deux Mondes - 1911 - tome 5.djvu/579

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nous retrouvons la femme. Dans la manufacture de velours, de satins et de damas fondée à Toulouse au XVIe siècle par le lucquois Salvini, à côté des négocians, des tisseurs et teinturiers, il y avait des maîtresses dé videuses et doubleuses. Dans la soierie lyonnaise, toutes les opérations subalternes, qui n’exigeaient pas de force physique, étaient accomplies par des ouvrières. Filles de la campagne ou grandies à l’ombre de la fabrique, elles faisaient les canettes, devenaient dévideuses, tireuses de cordes, liseuses de dessins, faiseuses de lacs, entretenaient en même temps l’atelier. Les règlemens les confinaient dans ces travaux rudimentaires, les écartaient, sous prétexte qu’elle était trop pénible, de la manœuvre du métier. Cette condition infime ne les encourageait pas à se respecter elles-mêmes. Il leur arrivait parfois d’en sortir en épousant d’anciens compagnons passés maîtres qui trouvaient en elles d’utiles collaboratrices. En Beauvaisis, il n’y avait pas un seul village qui ne comptât un grand nombre de femmes gagnant leur vie à faire les filés pour la sayetterie amiénoise. La sayetterie lilloise employait aussi des ouvrières au travail des filés et les admettait même à la maîtrise.

Après le vêtement, après les arts de l’aiguille qui ajoutent à son éclat, après les industries textiles, c’est le commerce de l’alimentation qui offrait aux femmes le plus de ressources pour gagner leur vie. Pour la vente au détail du poisson, du beurre, des œufs, du fromage, des fruits, elles étaient en voie de supplanter les hommes, en même temps que l’organisation corporative tendait à se dissoudre pour faire place à des licences de vente concédées, sous le nom de lettres de reggrat, par l’autorité municipale.

Regrattières, revenderesses, c’est sous ces noms génériques que se rangeaient toutes celles qui vivaient d’une façon plus ou moins précaire du commerce de bouche. Mais toutes les regrattières ne se livraient pas au débit des denrées alimentaires. Ce nom appartenait à toutes celles qui faisaient le commerce de détail. Il y avait aussi des revendeuses, toutes différentes de celles-là, qui méritent de nous arrêter plus longtemps. Nommées et assermentées par l’autorité publique, elles expertisent des propriétés, vendent des mobiliers aux enchères, reçoivent en dépôt, avec commission d’en tirer le plus d’argent possible, des objets de toute nature, négocient des prêts sur gages et même, ce qui les rabaisserait un peu si ton ne supposait que c’était