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l’affaire d’autres revenderesses, colportaient et criaient les vieux chapeaux et les vieux habits. Elles se seraient même mêlées de. prédire l’avenir et de faire des mariages. Il leur arrivait enfin, — et c’est alors qu’elles se brouillaient avec la justice, — de prêter à usure et de détourner les nantissemens qui leur étaient confiés. On les accusait encore de s’introduire dans les grandes maisons sous prétexte de placer leurs marchandises, mais en réalité pour entraîner serviteurs et servantes à des larcins domestiques, de receler les voleurs et le produit de leurs vols. On se plaignait qu’elles entravassent la circulation en stationnant dans les rues et en y ouvrant des marchés en plein vent. C’est cette provocation au vol, c’est cet encombrement de la voie publique que dénonçaient en 1643 les syndics jurés des marchands fripiers au commissaire du quartier des Halles. Ce qui affaiblissait la valeur de ces dénonciations, c’est qu’elles venaient de concurrens, c’était aussi la réputation fâcheuse des fripiers. Ils la devaient à des opérations qui ressemblaient singulièrement à celles qu’on pouvait reprocher aux revenderesses. N’exploitaient-ils pas, eux aussi, l’imprévoyance ? N’étaient-ils pas usuriers, prêteurs sur gages, receleurs ? Aux préventions que leur attiraient leurs pratiques clandestines et les gros profits qu’elles leur rapportaient, s’en joignait une autre. Il y avait encore beaucoup de Juifs parmi eux et ceux qui s’étaient convertis et qui affichaient à Saint-Eustache, leur paroisse, une dévotion de néophyte, n’avaient pas réussi eux-mêmes à désarmer l’animosité publique. Les fripiers judaïsans étaient fortement aigris de cette sorte d’ilotisme, et ils s’en vengeaient parfois jusqu’au sang. Un jour une compagnie de garde bourgeoise, composée des fripiers de la Tonnellerie, n’avait-elle pas assassiné le marchand épinglier ordinaire de la Reine, parce que, à un passant qui lui demandait quelle était cette compagnie, il avait répondu : « C’est la synagogue. » Pour en revenir à nos revenderesses, les abus auxquels donnaient lieu leurs opérations, tout comme celles des fripiers, ne pouvaient faire oublier leurs services. Ne suffisait-il pas, pour prévenir les premiers, de soumettre leurs actes de commission à certaines précautions ? C’est ce que fit la municipalité de Dijon. Déjà, au XVIe siècle, elle exigeait des revenderesses une caution de 100 livres au moins, dont les maris étaient solidaires, et qui garantissait la restitution de la valeur des objets dont elles étaient dépositaires. Au XVIIe, elle leur prescrivit