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des révélations instructives sur le contact et les réactions réciproques de ceux qui servent et de ceux qui se font servir. A la différence des domestiques mâles, en effet, qui ont en quelque sorte une vie publique, qui, à la suite de leurs maîtres, entrent dans toutes les factions, participent à tous les désordres, et qui, par leur nombre, leur turbulence, l’habitude de porter l’épée et la protection de leurs nobles patrons, obligent l’autorité à compter avec eux, la domesticité féminine se déroule dans les limites du foyer familial. Si elle était mieux connue, celui-ci n’aurait plus pour nous de secrets.

Il n’y a pas dans le monde des arts et métiers, au point de vue de la répartition des professions entre les deux sexes, une anomalie aussi choquante que celle qu’on rencontre tout de suite dès qu’on aborde l’étude de la domesticité. Il semble, en effet, inadmissible que le service des femmes, et surtout le service intime ne soit pas exclusivement réservé à des personnes de leur sexe. Or, il arrivait souvent, au contraire, qu’elles fussent assistées dans leur toilette par des domestiques mâles qui en prenaient le nom d’ « hommes de chambre. » Brantôme nous rapporte qu’il avait vu à la Cour et à la ville beaucoup de filles qui n’éprouvaient aucun scrupule, ni aucun embarras à se faire habiller et déshabiller par leurs valets. Jean Puget de la Serre, dans son Entretien des bons esprits sur les vanités du monde (1631), nous montre des valets de chambre apportant à leur maîtresse les robes qu’elles ont choisies. L’auteur du Gyges Gallus (1640), le P. Zacharie, s’étonne de voir que des femmes de la noblesse ne rougissent pas de sortir du lit devant des serviteurs, de recevoir de leurs mains leur chemise, de se faire peigner et coiffer par eux. Cette promiscuité provoque, il est vrai, la surprise et la censure de ceux qui la signalent. Il faut croire pourtant qu’elle mit beaucoup de temps à être bannie des mœurs, car, dans la deuxième partie du XVIIe siècle, on en trouve encore la trace. Parmi les proverbes que Mme de Maintenon a écrits pour Saint-Cyr, il y en a un où il est question d’un domestique qui a l’habitude d’entrer dans la chambre de sa jeune maîtresse avant qu’elle soit éveillée, et l’auteur du Traité des devoirs des maîtres et des domestiques, qui est de 1688, recommande aux mères de bien choisir les laquais qui approchent de leurs filles, ce qui prouve que le service des hommes auprès des femmes n’était pas encore tombé en désuétude. Cette persistance dans un usage dont l’inconvenance