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n’échappait pas aux contemporains, venait certainement de ce que la distance entre les maîtres et les domestiques dans les classes élevées en faisait oublier le danger. On se rassurait encore par la sévérité avec laquelle était frappée, dans une société qui en acceptait tant d’autres, ce genre de mésalliance. Dans les classes moyennes, on n’en courait pas le risque et le service intime était fait par des chambrières.

Si dans les grandes maisons, dont le nombreux personnel, placé sous l’autorité du maître d’hôtel, se partageait entre des attributions assez nettement délimitées, la chambrière ou femme de chambre ne sortait pas de celles qui lui étaient spéciales, elle faisait partout ailleurs la plus grande partie du ménage, était qualifiée de chambrière à tout faire ou prenait le nom générique de servante. C’est à ce type que nous ramènerons ce que nous sommes en mesure de dire de la domesticité féminine, la seule que connût la classe moyenne.

Dans quelles conditions se contractait l’engagement de la servante ? Nous avons déjà parlé des bureaux de placement et d’adresses. Au sujet de l’acquisition des qualités ménagères dont elle a besoin nous trouvons dans un minutier de notaire parisien des contrats[1], — ils appartiennent, il est vrai, au milieu du XVIe siècle, — qui instituent un apprentissage domestique. Des deux parties qui comparaissent devant le notaire, l’une déclare qu’elle place, en qualité de chambrière ou servante, sa fille âgée de neuf, de douze, de treize ans, l’autre qu’elle nourrira, entretiendra l’enfant et lui fournira quelques hardes au terme de son engagement, c’est-à-dire au bout de quatre ou six ans. Cet apprentissage commençait même plus tôt encore et il fallait que Colette Lormier comptât beaucoup sur la docilité que l’âge tendre de Clémence Marie semblait lui promettre, qu’elle vît en elle un enfant adoptif pour la prendre à son service à l’âge de trois ans en se chargeant de l’élever, d’en faire une chrétienne et de l’envoyer à l’école. A côté de cette formation professionnelle qui résultait de l’accord des intéressés, il faut rappeler celle que recevaient les pensionnaires de certains établissemens charitables.

Les servantes sortaient parfois de la bourgeoisie. Nous en

  1. Ces contrats sont analysés dans le deuxième volume encore manuscrit du minutier dont notre confrère, M. Coyecque, a déjà publié le premier. C’est à son obligeance que nous devons la connaissance de ce second volume.