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avons rencontré une qui était la fille d’un procureur. Il y en avait d’instruites. L’archevêque de Rouen, dans ses visites pastorales, enjoint au curé de Saint-Pierre de Pontoise de veiller à ce que celles de sa paroisse reçoivent les leçons des Ursulines. L’évêque de Châlons faisait donner des leçons d’écriture à ses domestiques. Une servante qui vient de Normandie à Paris pour se placer et qui énumère tout ce qu’elle sait faire, ne met pas seulement au nombre de ses talens la couture, la tapisserie, le petit point, le grand point, le point de Hongrie, la pâtisserie et une cuisine recherchée ; elle saurait aussi, à l’entendre, écrire en prose et en vers et sur ce dernier point elle défierait Ronsard lui-même. De cette exagération très naturelle dans une fantaisie littéraire, il faut pourtant retenir que la servante s’élevait parfois au rôle de dame de compagnie ou de suivante. J. P. Camus désigne indifféremment par les noms de servante et de suivante deux filles de la petite noblesse rurale obligées d’aller à la ville et de se mettre au service de dames de qualité. On saisit ici le contraste de la naissance et de l’humilité de la situation. Il ressort encore mieux du langage de la suivante Amarante qui, dans la Suivante de Corneille, se montre offensée de ce que Clarimonde lui offre un diamant pour obtenir une confidence sur sa maîtresse, dont la naissance, affirme-t-elle ailleurs, ne l’emporte pas sur la sienne. Ch. Sorel rapporte que quelques dames ou demoiselles de qualité, qui se piquaient d’avoir une suivante, lui demandaient le service d’une femme de chambre dont elles faisaient ainsi l’économie. La suivante, qui a commencé par être une dame de compagnie, est devenue assez vite une servante. Sous l’un ou sous l’autre de ces noms, c’est de soins personnels qu’il s’agit, mais de soins plus ou moins intimes. L’auteur des Amours, intrigues et cabales des domestiques de grande maison (1633) distingue des suivantes de deux degrés : les unes qui assistent leurs maîtresses dans ce qu’on pourrait appeler leur vie ostensible et d’apparat, qui, par exemple, annoncent et introduisent auprès d’elles les visiteurs ; les autres qui, possédant toute leur confiance, mûries dans leur service, familiarisées avec tous les secrets de la physiologie et de la coquetterie féminines, les soignent dans leurs grossesses et leurs accouchemens, ont des remèdes pour tous leurs malaises, mille inventions pour les rajeunir et prolonger l’empire de leur beauté. Il ne leur manque plus, pour se rendre encore plus