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Jusqu’ici, je n’ai considéré que l’armée de terre, mais, en réalité, nos deux armées de terre et de mer doivent coopérer à une action d’ensemble, et leurs opérations doivent être coordonnées en vue d’un but commun, non seulement après la déclaration de la guerre, mais même dans la période de préparation. Je vais essayer de le faire comprendre.

En ce moment, il est question de compenser le défaut de notre natalité par l’organisation de la conscription en Algérie et la formation de réserves de troupes noires, avec l’intention, en cas de guerre, de ramener en France, d’une part, une fraction de notre 19e corps d’armée, d’autre part, des unités composées de troupes arabes et de troupes noires. Ce projet n’est réalisable que si nous avons la liberté de la Méditerranée pendant un temps suffisant, et ceci ne peut avoir lieu que si toute notre flotte de combat est concentrée dans cette mer et domine les flottes réunies de l’Autriche et de l’Italie.

Or, dans les discussions qui se produisent depuis quelque temps sur l’emploi de nos forces navales, les uns, comme M. de Lanessan (Projet de résolution déposé le 22 juin dernier), veulent fractionner notre flotte en deux parties, lune dans la Méditerranée, l’autre dans l’Océan ; d’autres la voudraient entièrement concentrée dans l’Océan ou la Manche. Si l’une de ces deux solutions était adoptée, il serait inutile de compter sur notre 19e corps d’armée, sur nos forces algériennes et sur nos troupes noires pour la campagne de France ; il serait donc tout à fait inutile de dépenser les sommes énormes que coûteront la conscription en Algérie et le recrutement d’une armée noire. On voit donc que, dès le temps de paix, l’organisation de notre armée de terre et qu’aux premiers momens de la guerre la conduite des opérations initiales dépendent étroitement de la répartition et de l’utilisation de nos forces navales, question qui ne saurait être tranchée ni par un généralissime, ni par un amiralissime, s’il en existait, mais par le gouvernement seul. Je tire de cette nécessité une seconde conclusion : le gouvernement doit être éclairé par des compétences militaires et maritimes pour prendre une décision appropriée aux circonstances.

Enfin, pendant la guerre elle-même, la situation des belligérans ne peut-elle pas se modifier ? Des alliances peuvent se rompre ou se former ; des débarquemens sur nos côtes peuvent se produire, etc. ; encore ici, l’intervention du gouvernement