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comme leurs maîtresses, amassant leurs cheveux sur le front et jusque sur le nez en forme de coquilles Saint-Jacques. Pour le service de chambre, elles revêtaient parfois un corps blanc ajusté. A Strasbourg, elles portaient une garde-robe, c’est-à-dire un tablier à manches, un pelliçon, un chaperon, une fraise blanche et godronnée à plusieurs rangs et un large ruban de taffetas noué au bout des tresses.

La coquetterie et le goût du jeu de hasard les entraînaient à grossir leurs gages de profits illégitimes. La littérature populaire, qui est toujours très mauvaise langue, leur reproche, parmi beaucoup d’autres choses, de « ferrer la mule. » Mais elle n’est pas seule à déposer contre elles. Au commencement du XVIIe siècle, le procureur syndic de la Chambre de ville de Dijon représente que, pour soutenir leur luxe, elles commettent des vols domestiques et requiert qu’il leur soit défendu, sous peine de fouet, de porter des souliers légers et des cottes empesées. Les ouvroirs ou, comme on les appelait en Bourgogne, les ecraignes de village, c’est-à-dire les assemblées de femmes dont le travail en commun était l’objet, le commérage et la licence les attraits, sont considérés par le chanoine Dognon comme pernicieux pour la probité domestique et doivent être sévèrement défendus. Ils le furent, en effet, à Dijon notamment. A Nîmes, des filles venues du dehors se plaçaient quelque temps, quittaient presque aussitôt les maisons où elles étaient entrées et se réunissaient dans des chambrées qui firent si mal parler d’elles que le consulat fut obligé d’intervenir. L’infidélité domestique qui consistait à majorer les prix, à tromper sur la quantité, à détourner les provisions, était un mal chronique. Il arrivait aussi que cette infidélité s’exerçait en grand, que des voleurs de profession s’assuraient, pour faire leurs coups, de la complicité des gens de service. A Périgueux, la servante coupable d’avoir volé ses maîtres était fouettée dans les rues, désignée aux outrages par un écriteau portant l’inscription : larronnesse domestique et, après restitution de l’objet volé ou paiement de sa valeur, bannie à perpétuité de la ville et de la banlieue.

Quand les rapports normaux entre maîtres et serviteurs n’étaient pas altérés par les abus de confiance des seconds, ils pouvaient l’être par la familiarité, la promiscuité, la déchéance sociale. Retz signale comme il sait le faire l’entraînement et les inconvéniens de la familiarité dans les grandes maisons. Dans