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les moyennes et les petites que nous avons surtout en vue, elle naissait forcément de ce que la maîtresse et les filles de la maison passaient une partie de leur vie à la cuisine. Il y avait certains oublis des distances qui avaient de plus graves conséquences. Les mœurs ancillaires étaient très répandues et, indépendamment des situations fausses qu’elles créaient toujours, elles se révélaient souvent bruyamment par des scandales et des mariages disproportionnés. La jurisprudence se montrait sévère pour ces unions serviles. Plusieurs arrêts avaient privé les servantes, qui avaient su se faire épouser, des avantages nuptiaux que leur avaient valus ces mariages scandaleux. Quand une servante devenait enceinte, il y avait à l’encontre du maître une présomption de paternité en ce sens qu’il devait à la mère, pendant le procès en désaveu, une provision alimentaire. Le fils de famille qui avait séduit une servante et l’avait rendue mère, ne lui devait pas le mariage, mais une provision alimentaire d’abord et ensuite une réparation pécuniaire. Les tribunaux avaient contre les procès de séduction et de rapt entrepris par des femmes au service des défendeurs des préventions légitimes. Ces affaires, où les victimes mettaient leur honneur à un prix très exagéré, étaient souvent des affaires de chantage qui se terminaient par des transactions pécuniaires.

Nous donnerions une idée bien fausse de la domesticité féminine si nous laissions le lecteur sous l’impression que les devoirs réciproques qui en découlent fussent généralement méconnus. Que de familles chrétiennes, au contraire, dont la tenue et la rectitude morales étaient incompatibles avec les abus et les désordres dont la domesticité se rendait coupable ailleurs ! Dans la maison où servait Armelle Nicolas, c’était une vieille coutume de faire à haute voix, tous les soirs, après le souper, devant la famille et le personnel domestique, une lecture édifiante. Mlle de Neuvillars ne gardait pas les domestiques adonnés aux juremens, à la médisance, au mensonge ou à d’autres vices. Elle ne parlait jamais à ses servantes sans mêler à ses ordres un mot d’instruction et d’édification, tout en prenant garde que les pratiques de dévotion ne fissent pas tort au travail. Elle ménageait leurs forces, veillait à leur bien-être, ajoutait à leurs gages des gratifications, les assistait dans leurs maladies. Mme Acarie habituait ses filles à traiter les domestiques avec une grande politesse, leur donnait ses soins avec le