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porta tous ses fruits tant que les généraux n’eurent qu’à commander des corps d’armée, mais, dès qu’il leur fallut, à partir de 1812, conduire des armées éloignées du maître, ces chefs devinrent insuffisans ; leur éducation militaire n’était pas faite. Quant aux officiers d’état-major, avec la méthode personnelle de commandement de Napoléon, ils n’étaient, pour ainsi dire, que des agens de transmission, incapables d’aider le haut commandement. Aussi, le maître disparu, il n’y eut plus aucun disciple initié à sa méthode. En 1870, nous avons payé cher cette ignorance de la grande guerre dans laquelle étaient restés nos généraux.

Pendant la brillante époque napoléonienne, comment le commandement était-il organisé chez nos adversaires ? A la tête des armées se trouvaient des monarques, des princes ou des généraux qui, n’ayant ni confiance en eux-mêmes, ni autorité effective sur leurs subordonnés, hésitant par cela même à prendre une décision, passaient leur temps à rassembler des conseils de Guerre incapables eux-mêmes de proposer une solution convenable. La campagne de 1806 montre où conduit la direction par des conseils auliques quand il s’agit de la guerre.

Nous allons voir, en examinant brièvement l’organisation du haut commandement dans le royaume du Prusse, comment le leçon d’Iéna y fut interprétée. On avait compris la nécessité d’un commandement suprême, c’est-à-dire d’un généralissime ; mais en même temps, on avait reconnu l’inconvénient de la méthode trop personnelle de Napoléon. Celle-ci ne convient qu’à un homme de génie et, même supérieurement appliquée, elle a le tort de ne rien laisser après la disparition de l’homme. Les Allemands ont pensé qu’on ne peut pas toujours trouver un génie et que souvent le généralissime sera de moyenne envergure ; il convient donc de l’étayer d’un état-major fortement imbu d’une doctrine ferme ; c’est à former cet état-major qu’on s’est appliqué dès que les circonstances le permirent. On nomma un chef d’état-major général permanent, car, pour former un corps et fonder une doctrine, il faut beaucoup de temps et une continuité de vues qui ne va pas avec des changemens incessans. Dès 1857, de Moltke fut chef d’état-major général de l’armée et il conserva ces fonctions pendant une trentaine d’années. L’éducation militaire des jeunes officiers d’état-major, commencée à l’Académie de Guerre, se continuait à l’état-major