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de l’armée sous la haute direction de de Moltke, dont les idées pénétraient le corps tout entier, grâce à sa méthode d’enseignement par l’étude de cas concrets sur la carte et sur le terrain.

La création d’un véritable état-major de guerre est l’œuvre de de Moltke qui a pu, à la fin de sa vie, dire avec une certaine vérité et une fierté justifiée, en parlant de la guerre future : « Notre force sera dans la direction, dans le haut commandement, en un mot, dans le grand état-major. Cette force, la France peut nous l’envier, elle ne la possède pas. » Depuis lors, ces paroles ont heureusement cessé d’être vraies.

L’état-major général de l’armée ainsi très fortement constitué étudiait les mesures à prendre en cas de guerre avec les différentes puissances et dans les situations diplomatiques les plus variées. Le chef de l’état-major présentait à l’approbation du gouvernement des mémoires qu’il adressait en conséquence tantôt au ministre de la Guerre, tantôt au président du Conseil. On voit par là que le gouvernement ne restait nullement étranger aux conceptions militaires du chef d’état-major général. Dans la période de 1857 à 1870, on ne compte pas moins de vingt mémoires de de Moltke, rien qu’en ce qui concerne l’éventualité d’une guerre avec la France.

Au début de la campagne de 1866 contre l’Autriche, le chef d’état-major général n’avait pas encore reçu toute l’autorité d’un généralissime effectif et les ordres rédigés par lui étaient notifiés aux troupes par le Ministre de la Guerre. Comme cette disposition donnait lieu à des retards, un ordre du Roi, en date du 2 juin, donna à de Moltke toute indépendance relativement au Ministre de la Guerre qui n’est plus chargé, en Allemagne, que des questions administratives : recrutement, armement, habillement, alimentation, solde, construction des forteresses, mobilisation[1]. Le chef d’état-major général est le véritable chef de l’armée, mais sous l’autorité nominale ou effective de Sa Majesté.

En 1870, l’autorité du vieux roi Guillaume était plutôt nominale. Toutefois, les ordres du chef d’état-major étaient toujours rédigés sous une forme impersonnelle et comme une

  1. Sous la Révolution et sous l’Empire, nos ministres de la Guerre n’étaient aussi que les grands pourvoyeurs de l’armée.