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longtemps préoccupé de se débarrasser du grisou au fur et à mesure de son dégagement. Les tentatives ont été innombrables et très variées, et certaines d’entre elles furent singulières. C’est ainsi qu’en divers pays, on faisait appel au dévouement du canonnier ou pénitent. Sous ce nom pittoresque on désignait un mineur qui, chaque fois que le travail devait reprendre après une interruption plus ou moins longue, telle que celle du dimanche ou des jours de fête, allait seul par les puits et les galeries et jusqu’au fond des travaux, pour les assainir. Vêtu d’épais habits de bure d’où lui venait son surnom monacal et qui devaient le préserver des brûlures, il rampait sur le sol, en élevant sous les plafonds des couloirs une chandelle allumée fixée au bout d’un long bâton. Le grisou, que sa légèreté appelle toujours vers les points hauts, brûlait parfois tranquillement, souvent avec explosion et grand bruit. L’opérateur ayant accompli sa périlleuse entreprise, ses camarades savaient que, pendant plusieurs heures, les galeries étaient purgées du gaz dangereux. On a renoncé depuis longtemps au pénitent, et on l’a remplacé par une savante ventilation où des courans d’air lancés au fond par de puissantes souffleries chassent devant eux les vapeurs funestes.

Ce dernier remède, en agitant l’atmosphère confinée et en y soulevant des nuages de poussière, a d’ailleurs suscité un nouveau péril qu’il importera de signaler tout à l’heure.

Pour le moment, constatons cette situation normale dans un grand nombre de mines, d’une atmosphère qui acquiert peu à peu les qualités explosives et qui profitera de la moindre étincelle pour s’enflammer. Alors, un vent de feu s’élance le long des galeries, s’élève dans les puits ; et, par les changemens de pression qu’il inflige au milieu, renverse les étais qui soutiennent les toits, arrache les portes, projette à distance les blocs de rochers qui faisaient obstacle à sa progression. Sur son passage, les hommes sont écrasés contre les parois des couloirs, jetés les uns sur les autres, baignés par une atmosphère brûlante qui pénètre dans les poumons, désorganisant et tuant tout ce qu’elle touche.

« On se représente ce terrible phénomène, m’écrivait M. Grand’Eury, — savant si célèbre pour ses magnifiques études sur la houille, — comme une flamme rouge chassée avec violence du point où a éclaté le coup de grisou : gare à