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de combustion et de macération, il n’y a qu’une différence essentielle : la présence de l’air pour la première, son absence pour la seconde, et ces deux conditions opposées caractérisent en effet deux régions mutuellement contrastantes de la superficie terrestre. Là où l’air, c’est-à-dire l’oxygène abonde, les matières organiques se détruisent très vite, ou, plus exactement, elles livrent très vite les élémens qui les constituent au tourbillon des réactions rapides sur lesquelles comptent pour vivre les générations qui se succèdent de végétaux et d’animaux.

On ne réfléchit pas toujours assez à la nécessité pour chaque génération de se constituer avec les molécules matérielles qui ont servi à ses ancêtres : de merveilleux phénomènes de circulation fournissent à chaque individu les alimens d’où il retire, par les réactions physiologiques, l’étoffe même de ses tissus ; mais parle fait seul de la vie, cette étoffe s’use et se détruit sans répit, et les débris qui en résultent sont expulsés, pour concourir à des travaux chimiques qui les rétabliront dans leur condition alimentaire. J.-B. Dumas, dans l’ample langage qu’il savait si bien mettre au service de la plus haute philosophie naturelle, a décrit en ce genre les migrations organiques du carbone. Il a montré que l’animal peut, à un certain point de vue, être comparé à un appareil de combustion, c’est-à-dire d’oxydation conformément à l’aphorisme de Lavoisier que « respirer, c’est se brûler. » Et en face de cette activité comburante, Dumas a signalé la plante verte comme un appareil de réduction, capable de reprendre l’acide carbonique qui fait le résidu de la respiration de tous les êtres, et d’en associer les élémens avec ceux de l’eau, pour constituer ainsi la matière même du bois, ce qui suppose l’exhalaison d’une quantité correspondante de gaz oxygène, c’est-à-dire de la matière respiratoire par excellence. Dans sa Statique chimique des êtres organisés, livre magistral dont les progrès de la science ont cependant modifié la portée sur quelques points, Dumas fait voir comment le même carbone passe sans cesse et alternativement de la cellule végétale à la cellule animale et vice versa, assurant ainsi, sous un poids limité, la persistance indéfinie d’un merveilleux état d’équilibre entre les deux règnes organiques.

Il va sans dire que ce qui est vrai pour le carbone s’étend à tous les autres élémens des tissus vivans et qu’il y a bien des chances pour que chacune des molécules qui composent notre