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langoustes. Ils devaient donc vivre nécessairement dans un milieu favorable aux fonctions qui s’exercent autour de nous et l’on en doit conclure que les conditions de la mer primaire cadraient exactement avec les conditions de nos océans tropicaux. Un trilobite oublié par la mort prospérerait sans difficulté dans la mer des Indes ; un homard du golfe du Mexique aurait vécu fort à l’aise dans l’Océan silurien.

Cela veut dire que, depuis les plus anciennes époques fossilifères, la Terre a éprouvé très peu de changemens au point de vue planétaire. Les millions de siècles écoulés depuis l’éclosion de la vie sont compris dans la minute géologique actuelle.

Il résulte aussi de là des conséquences qui s’appliquent en particulier à l’histoire du grisou : c’est qu’au cours des temps sédimentaires, aucun phénomène général violent n’est venu interrompre la marche d’une évolution majestueuse. Les suppositions émises de circonstances spéciales pour expliquer certaines productions à un moment ou à un autre sont controuvées d’avance. Par exemple, au spectacle des accumulations parfois énormes de houille que recèle le sol de certaines régions, on s’est laissé aller jusqu’à imaginer des modifications momentanées dans la composition chimique de l’atmosphère : au lieu de 3 dix millièmes de gaz carbonique qu’on y trouve aujourd’hui, l’océan aérien aurait contenu, à l’état gazeux, toute la masse de charbon renfermée dans les combustibles fossiles. En réfléchissant aux conséquences d’une semblable modification en ce qui concerne l’économie de toute la Terre et la vie des animaux, on est contraint à renoncer tout de suite à de semblables romans.

N’insistons donc pas sur des considérations qui auraient vite fait de nous écarter de notre sujet, et constatons seulement, en terminant, que l’histoire du grisou, à première vue si spéciale et même si incompatible avec la doctrine de l’harmonie des choses, nous révèle le gaz calamiteux qu’elle concerne, comme un trait essentiel d’un mécanisme dont le fonctionnement est si délicatement réglé, que la moindre perturbation dans son allure entraînerait les conséquences les plus graves pour l’équilibre général de la Terre.


STANISLAS MEUNIER.