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de somme ; je ne saisirai ni le paysan, ni la paysanne, ni les serviteurs, ni les marchands ; je ne leur prendrai point leurs deniers et je ne les obligerai point à se racheter... Je ne les fouetterai point pour leur enlever leurs subsistances. Depuis les calendes de mars jusqu’à la Toussaint, je ne saisirai ni cheval, ni poulain, ni jument dans les pâturages. Je ne démolirai ni n’incendierai les maisons. Je ne détruirai pas les farines qui s’y trouvent. Je ne déracinerai, ni ne vendangerai les vignes... »

Il serait facile, d’après les chroniques du XIIe siècle, de faire revivre ici la physionomie de nombre de ces grands pillards ; celle de Giraud de Berlai en son château de Montreuil ; celle de Hugue du Puiset, qui ravage la Beauce ; celle de Thomas de Marle. « Il avait, dit Suger, ravagé et dévasté avec la férocité d’un loup les pays de Laon, de Reims et d’Amiens. Les formidables châteaux de Crécy et de Nouvion avaient été munis par lui de remparts prodigieux : repaires d’où il infestait les terres voisines. » Le domaine royal tout entier était hérissé de forteresses sorties de terre à l’époque des invasions, époque où elles avaient offert protection et refuge aux gens du plat pays ; mais, au XIe siècle, elles ne servaient plus qu’à les opprimer. « Le pays accidenté qui s’étend sur la rive gauche de la Seine, écrit Achille Luchaire, les riantes vallées de la Mauldre, de l’Eure, de l’Yvette, de l’Orge, de l’Essonne, sont devenues un fourré de tyrannie. » On ne pouvait plus aller jusqu’à Paris, dit Bertrand de Bar,


Que l’on ne fût décopés et occis.


En dehors de la suzeraineté directe de la couronne, l’anarchie féodale était pire encore.

Fléaux qui redoublent à la mort du Roi, ou quand celui-ci est mineur, ou quitte le royaume. « A peine, raconte Suger, le roi (Louis VII) était-il parti pour les pays étrangers, que les hommes avides de pillage commencèrent à désoler la contrée. »

Contre ces grands bandits, qui se croyaient intangibles en leurs fertés dressées sur les mottes hérissées de pierres, les excommunications restent sans effet. Le clergé reconnaît son impuissance. Les seigneurs féodaux eux-mêmes n’osent répondre contre eux à l’appel de leur prince ; mais les humbles habitans