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des paroisses, organisés en « milices de paix, » viennent sous la conduite de leurs prêtres, enchantant des cantiques, se ranger avec leurs bannières derrière l’épée du souverain. Voyez le Roi chevauchant à leur tête. Une couronne d’or brille autour de son heaume en acier bruni et que surmonte une fleur de lis « à quatre quarts, » afin que, « de tous les quartiers qu’on la verrait, elle retînt la forme de fleur de lis ; » des fleurs de lis parsèment son écu ; par-dessus son haubert aux mailles de fer est passée une jacquette de samit rouge. Voilà l’armée inlassable qui prendra les donjons, — simple et admirable tableau de la formation française.

En ces expéditions Louis le Gros acquit un nom populaire, à cheval du matin au soir, actif à mettre fin au pillage et aux violences des hobereaux, se jetant dans les châteaux en flamme, passant les rivières à la nage avec ses soldats qu’il remplit d’ardeur, montant le premier à l’assaut des remparts croulans, sous la pluie de pierres et de plomb fondu, sous l’avalanche de fûts et de carreaux que font choir les assiégeans. A pousser en avant son monde, exhortant, dirigeant, entraînant ses hommes, il gagne des extinctions de voix qui mettent des semaines à guérir, refusant de se ménager, « au grand préjudice d’une santé compromise, écrit son ministre Suger, au mépris des intempéries et des obstacles qui faisaient reculer les jeunes gens. »

D’ailleurs, ne voyait-on pas les barons féodaux les meilleurs entrer en conflit incessant avec leurs voisins ? C’était un serf que l’on se disputait, un vasselage sur lequel on ne parvenait pas à s’entendre, une avouerie qui tombait en discussion. Les bandes armées ne se contentent pas de prendre et de détruire les châteaux et les donjons de la partie adverse, elles mettent « à sac et à charbon » les bourgs dont ils sont entourés, détruisent les vergers, arrachent les vignes, déracinent les arbres, rompent les ponts, comblent les fontaines. Et le droit de guerre privée était absolu. D’après Beaumanoir, il aurait été refusé aux roturiers, — qui ne s’en gênaient pas pour le prendre, — mais, entre nobles, il ne connaissait aucune entrave et ceux-ci entraînaient les roturiers derrière eux.

La rigueur de l’organisation familiale multipliait le fléau, en faisant naître luttes et dévastations simultanément aux quatre coins du pays. Une famille, pour dispersée qu’elle pût être dans