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« Maintes fois il advint qu’en été, il s’alloit seoir au bois de Vincennes après sa messe et s’accotoit à un chesne et nous faisoit asseoir autour de lui. Et tous ceux qui avoient à faire, venoient lui parler sans destourbier d’huissiers, ni d’autres. Et lors il leur demandoit de sa bouche :

« — A-t-il nullui qui ait partie ?

« Et ceux-là se levoient qui avoient partie, et lors il disoit :

« — Taisez-vous tous, et on vous délivrera l’un après l’autre.

« Et alors il appeloit Mgr Pierre de Fontaines et Mgr Geoffroi de Villette et disoit à l’un d’eux :

« — Délivrez-moi cette partie.

« Et quand il voyoit aucune chose à amender en la parole de ceux qui parloient pour lui, ou en la parole de ceux qui parloient pour autrui, lui-même l’amendoit de sa bouche. »

Il en allait de même à Paris dans le jardin du Roi, à la pointe du Palais de Justice :

« Je le vis aucune fois en été, écrit Joinville, que, pour délivrer ses gens, il venoit au jardin de Paris, vêtu d’une cote de camelot, d’un surcot de tiretaine sans manches, un manteau de cendal noir autour du cou, très bien peigné et sans coiffe, et un chapeau de paon blanc (en plumes de paon blanc) sur sa tête. Et il faisoit étendre des tapis pour nous seoir autour de lui, et tout le peuple, qui avoit affaire par devant lui, se tenoit autour de lui debout. Et alors il les faisoit expédier en la manière que je vous ai dite du bois de Vincennes. »

Récit confirmé par un autre chroniqueur contemporain, Jean du Vignay : « Et pour ce qu’il doutoit que les petites causes venissent à peine (difficilement) devant lui, il alloit deux fois la semaine au moins en un lieu où chacun le pouvoit voir, pour ouïr les complaignans et, moyennant droiture et miséricorde du peuple, il faisoit les causes dépêcher rapidement. »

Et la foule qui se pressait autour de lui accueillait ses sentences par des acclamations. « Ils s’escrioient à Nostre Seigneur et le prioient que Dieu donnast au Roy bonne vie et longue et le maintînt en joie et santé. »

Quant aux principes qui le dirigeaient en cette répartition de la justice, saint Louis les indiquera au cours de ses Enseignemens :

« Cher fils, s’il advient que tu viennes à régner, pourvois