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que tu aies ce qui a Roi appartient, c’est-à-dire que tu sois juste, que tu ne déclines, ni ne dévies de justice pour nulle chose qui puisse avenir. S’il avient qu’aucune querelle, qui soit mue entre riche et pauvre, vienne devant toi, soutiens plus le pauvre que le riche et, quand tu entendras la vérité, si leur fais droit. »

Telle fut d’ailleurs essentiellement, et l’on serait tenté de dire uniquement, l’œuvre de saint Louis. C’est en rendant la justice encore et toujours, en tous lieux, en toutes circonstances, en toute saison, et de quelque question qu’il s’agît, en se montrant obstinément, inlassablement, invinciblement, « loiaus et roide à tenir justice et droiture, sans tourner à destre ne à senestre, mais adès à droit, » pour reprendre ses propres expressions, — qu’il gouverna son pays, le maintint dans les momens les plus critiques en honneur et prospérité, et laissa à ses sujets le souvenir d’un gouvernement idéal.

Dans ce même jardin de Paris, en aval du palais de Justice où Joinville montre saint Louis mettant si paternellement fin aux conflits de ses sujets, nous trouvons ses divers successeurs occupés aux mêmes fonctions, et cela jusqu’à Louis XII, jusqu’au seuil de l’âge moderne.


Pour la justice les pauvres gens y vont,


dit le poète.

Une miniature du XVe siècle, conservée à la bibliothèque de l’Arsenal, représente Charles V assis dans le péristyle de sa demeure, en face de la grande porte ouverte, tel que Joinville vient de nous montrer saint Louis. Il est entouré de trois ou quatre conseillers. Devant lui, les plaideurs discutent avec véhémence, car l’un d’eux en perd son chapeau ; cependant que s’éloignent, par la porte et par la route qui se perd dans le fond du paysage, une théorie de plaideurs satisfaits, deux par deux, les adversaires réconciliés allant bras dessus, bras dessous, et devisant cordialement de la manière dont le Roi vient d’accommoder leurs affaires. « Nos rois, écrit Ducange, ont voulu recevoir eux-mêmes les plaintes de leurs sujets et, pour leur donner un accès plus libre vers leurs personnes, ils se sont en quelque façon dépouillés de leur pompe, sont sortis de leurs sacrés palais et se sont venus seoir à leurs portes, pour faire