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justice indifféremment à tous ceux qui la leur venoient demander. »

Le solide érudit qu’est André Duchesne en devient lyrique :

« Et tout ainsi, écrit-il, que les rois d’Israël édifièrent leurs maisons de parfums, où estoient toutes sortes de bonnes odeurs et senteurs excellentes, et que ceste maison ne se pouvoit approcher et que l’on ne sentît soudain une incroyable suavité ; ainsi nul n’approche de ceste maison de justice, — le logis du Roi, — qui de loin ne perçoive une senteur d’excellentes et gracieuses odeurs qui y résident : je dis de cette justice laquelle, comme la fleur de lis, embaume l’air de sa douceur. »

Et le bon Bodin, qui traduit si naïvement, et si fortement aussi, les conceptions de ses contemporains :

« Quand les sujets voient que leur prince se présente à eux pour leur faire justice, ils s’en vont à demi contens ores qu’ils n’aient pas ce qu’ils demandent : « Pour le moins, disent-ils, le Roi a vu notre requête, il a ouï notre différend, il a pris la peine de le juger. Et si les sujets sont vus, ouïs et entendus de leur Roi, il est incroyable combien ils sont ravis d’aise et de plaisir. » Bodin ajoute :

« Joint aussi qu’il n’y a moyen plus grand pour autoriser ses magistrats et officiers et faire craindre et révérer la justice, que de voir un roi séant en son trône pour juger. »

Saint Louis, disait Joinville, fut « l’homme du monde qui le plus se travailla de paix entre ses sujets. »

Par son efficacité même, par sa beauté, par sa renommée, ce rôle de pacificateur rempli par les rois de France s’étendit jusqu’au delà des frontières. N’avait-on pas vu, dès le début du Xie siècle, un Robert le Pieux, à l’entrevue de Mouzon (1023), s’efforcer de faire adopter à l’empereur allemand Henri II des plans de paix universelle ? L’Allemagne y adhérerait et, par l’union de l’Allemagne et de la France, toute la chrétienté.

Rêves prématurés et qui, sans doute, le seront toujours. Du moins est-on fier de constater que, du XIIe au XVIe siècle, l’arbitrage du roi de France est invoqué par les Impériaux, les Anglais, les Espagnols, empressés d’y plier leurs querelles, — pour la première fois, par Henri II Plantagenêt, en 1169, lors de son différend avec Thomas Becket.

Les deux seuls actes de saint Louis conservés aux archives de Meurthe-et-Moselle, note M. Emile Duvernoy, sont des sentences