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arbitrales prononcées par lui entre des seigneurs mouvant de la couronne d’Empire. Les maisons d’Avesne et de Dampierre, les comtes de Chalon et de Bourgogne (Franche-Comté), de Bar et de Lorraine relevant de la suzeraineté impériale, lui défèrent leurs démêlés ; enfin, en 1264, les barons anglais et le roi Henri II s’en remettent à lui de les accorder. Jusqu’aux simples particuliers, qui viennent des pays étrangers, malgré la distance, jusqu’à Reims, à Paris, à Melun, à Orléans, où se trouve le Roi, pour demander à sa « main d’ivoire, » dont l’équité pacificatrice a répandu sa renommée dans toute l’Europe, de mettre fin à leurs démêlés. Philippe le Hardi, fils de saint Louis, remplit un rôle semblable, ainsi que Philippe le Bel ; et Charles VII encore : « Les nations estranges, écrit Henri Baude, venoient souvent devers lui à conseil pour le différend de leurs questions et la grant justice qu’il tenoit ; » jusqu’à Louis XI, auquel furent soumis les contestations entre les rois d’Aragon et de Castille et un autre différend entre le roi d’Aragon et les Catalans. Louis XI se rendit à cette occasion sur la frontière, à Saint-Jean-de-Luz, où il étonna, par la simplicité de ses façons, les Espagnols accoutumés à la pompe de leurs princes. Ils voyaient arriver le monarque français, arbitre de leurs rois, en jacquette de drap tanné et en chapeau gras bordé de coquilles. « Ce n’est pas là un Roi, disaient-ils, c’est un pèlerin de Saint-Jacques. »


Encore n’avons-nous sous les yeux, pour vaste qu’elle paraisse, qu’une partie de la tâche accomplie. S’il est vrai que, avec le temps, l’autorité judiciaire du Roi était parvenue à faire régner une paix relative entre ses turbulens vassaux, on voit apparaître, vers le milieu du XIIIe siècle, une autre source de discorde : ce ne sont plus les luttes de seigneur à seigneur, de ville à ville, de ville à seigneur, de famille à famille ; mais les dissensions intestines, non moins âpres, non moins sanglantes, au sein de chacun de ces groupes locaux.

Tant que l’organisation sociale avait été prospère, tant que les seigneurs avaient généralement rempli vis-à-vis de leurs vassaux les devoirs qui leur incombaient et que les vassaux leur étaient demeurés affectionnés et dévoués, chacune des petites