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Ce caractère divin est donné au Roi par l’onction du sacre. « Nul ne doit douter, écrit l’auteur du Songe du Verger, que le roi de France ne prenne espéciale grâce du saint Esprit par la sainte onction... »

Louis VII établit lui-même une comparaison précise entre le Roi et le prêtre : à tous deux, dit-il, l’onction donne le caractère ecclésiastique. De nos jours, les historiens, Achille Luchaire entre autres, iront jusqu’à écrire que l’onction faisait du Roi un « être saint. »

Le roi Robert se montrait à ses sujets en vêtemens d’Eglise, en chape tissée d’or ; seule la mitre était remplacée par la couronne et la crosse était remplacée par le sceptre. Ses successeurs conserveront le costume du prêtre, la dalmatique portée sous le manteau royal. On voit les premiers Capétiens bénir leurs sujets et leur donner l’absolution, comme le ferait un prélat.

Le Roi est le chef de l’Eglise gallicane. Hugue Capet se posa comme tel dès le 3 juillet 987, par le serment qu’il prêta au moment où il fut proclamé roi et sacré à Noyon. Il ne cessa de se conduire en chef de son clergé. Arnoul, archevêque de Reims, s’étant mis en rébellion contre lui, fut jugé le 17 juin 991, en l’église de Saint-Basle et condamné. La sentence même indique qu’Arnoul, en manquant au Roi, s’était rendu coupable d’une forfaiture ecclésiastique, puisqu’elle le déclare incapable à jamais d’exercer les fonctions épiscopales : « Suivant ton aveu et ta signature, n’exerce plus ton ministère. »

Les rois les plus militaires, les plus grands politiques, comme Philippe-Auguste, sont des manières de pontifes. Au début de la bataille de Bouvines, qu’il dirigera en grand capitaine, il adresse à ses troupes des paroles qui semblent sortir de la bouche d’un prélat. Elles ont été conservées par Guillaume le Breton, qui se tenait à ce moment auprès du prince. Puis, élevant les mains, d’un geste religieux il bénit les chevaliers, tandis que sonnaient les graisles pour donner le signal de l’action. Sous les pas de Philippe-Auguste, à en croire les chroniqueurs ses contemporains, les miracles fleurissaient comme sous les pas d’un François d’Assise, les moissons reverdissaient, les sources d’eau vive jaillissaient du sol.

Au XVe siècle encore, on regardait le Roi comme la première