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personne ecclésiastique. Le Roi est un prélat, dit Juvénal des Ursins, et, s’adressant à Charles VII : « Vous êtes le premier en vostre royaume qui soit, après le Pape, le bras dextre de l’Église. » Nicolas de Clemengis le répétera au XVIe siècle : « Le Roi est à la fois monarque et prêtre ; » et, au XVIIe siècle : « Le Roi est beaucoup plus le chef de l’Eglise de France que le Pape, » dira l’un des plus grands parmi les prélats français, l’archevêque de Cambrai, l’illustre Fénelon. Aussi Ernest Renan ira-t-il jusqu’à découvrir « une jalousie de métier » au fond de la lutte soutenue par tant de Capétiens, par Hugue Capet, par Henri Ier, par Philippe-Auguste, par saint Louis, par-Philippe le Rel, par Charles VI, par Charles VII, par Louis XII, contre le Pontife romain.

Nous venons de voir comment, débordé par la multiplicité de sa tâche, le Roi avait délégué son pouvoir à ses conseillers, et le Parlement, qui le représente, conserve dans l’exercice de ses fonctions tous les caractères de l’autorité royale. Ainsi s’explique son attitude en tant de circonstances, où elle serait faite pour déconcerter un esprit moderne. Le Parlement a reçu délégation, non seulement du pouvoir administratif et judiciaire, mais du pouvoir ecclésiastique que possède le souverain. « Par arrêt, écrit M. Imbart de la Tour, le Parlement ordonne la levée des censures ecclésiastiques, la révocation des monitoires, même fulminés contre des clercs par leurs évêques, contre des religieux par leurs supérieurs ; frappe d’amendes énormes ceux qui les prononcent et, de lui-même, casse les sentences et en déclare absous. Par arrêt, il condamne à bailler des confesseurs, à donner la communion ou la sépulture, juge de la validité ou de la publication des pardons, jubilés ou indulgences, enjoint la délivrance de lettres de quêtes, se prononce sur l’authenticité de reliques, la rédaction de bréviaires ou missels, le nombre, la durée, l’ordre des processions. » Les bulles pontificales ne peuvent avoir crédit en France qu’après avoir été enregistrées au Parlement, que l’on voit citer devant lui des évêques pour avoir obéi à des bulles du Souverain Pontife interdisant de prendre part à un concile provincial. En une autre circonstance, il ordonne de jeter à la Conciergerie les porteurs de la bulle romaine et la fait déchirer par la main du bourreau. Il intervient en Sorbonne à propos de thèses de droit canon, enjoint par exemple, en 1486, de recevoir à la maîtrise le jacobin Luillier, mais à la condition