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encore, en 1770, dans la solennité d’un lit de justice, l’avocat général Séguier.

Non content de reconnaître en la personne du Roi le délégué de Dieu, le clergé gallican verra en lui Dieu lui-même : « Non seulement les rois sont ordonnés de Dieu, eux-mêmes sont Dieu : personne ne peut le nier sans blasphème, en douter sans sacrilège. » Et le Parlement, le 18 mai 1643, quatre jours après la mort de Louis XIII, ne dit-il pas à Louis XIV enfant, par la bouche de l’avocat général Orner Talon : « Le siège de Votre Majesté nous représente le trône du Dieu vivant... Les ordres du royaume vous rendent honneur et respect comme à une divinité visible[1]… »

Le peuple se précipitait sur le passage de son prince pour toucher le bas de sa robe, comme il aurait fait d’un reliquaire. « C’est la vérité, dit Saint-Gelais, que, par tous les lieux où le Roi passait, les gens, hommes et femmes, s’assemblaient de toutes parts et couraient après, trois ou quatre lieues ; et quand ils pouvaient atteindre à toucher à sa mule, ou à sa robe, ou à quelque chose du sien, ils baisaient leurs mains et s’en frottaient le visage d’aussi grande dévotion qu’ils eussent fait d’un reliquaire. »

Aussi bien l’on sait que les rois de France opéraient des guérisons miraculeuses : il ne s’agit pas seulement de Robert le Pieux et de saint Louis ; mais des plus violens adversaires de la papauté comme Philippe le Rel. Nogaret le proclame à la face de Boniface VIII : « Par les mains du Roi, mon maître, Dieu a fait des miracles évidens. » Et Guiart, le poète-soldat, parlant de ces cures miraculeuses :


Tant seulement par y touchier,
Sans emplastres dessus couchier,
Ce qu’autres roys ne puent faire.


Le moine Yves de Saint-Denis, qui assista à la mort de Philippe le Bel, a laissé une relation de ses derniers momens. Le prince expirant fait venir son fils aîné : « Devant le confesseur seul, secrètement, lui enseigna comment il devait faire pour toucher les malades et les paroles saintes lui enseigna qu’il avait coutume de prononcer quand il les touchait. Semblablement,

  1. Voyez sur ce point le livre de M. Lacour-Gayet, l’Éducation politique de Louis XIV.