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il lui dit que c’était à grande révérence, sainteté et pureté qu’il devait ainsi toucher les infirmes, nettoyé de conscience et de main. »

Claude Seyssel a soin d’établir que Dieu a donné ce don au roi de France, non à cause de sa personne, mais à cause de sa fonction, privilège dont aucune autre dignité sur terre, fût-ce celle du Souverain Pontife, n’a jamais été pourvue.

Quant à l’origine de ce don, d’après la croyance générale, dont on trouve trace jusque dans les écrits des disciples de saint Thomas d’Aquin, elle se serait également rattachée à l’onction par la sainte ampoule, dont l’huile, qui ne diminuait jamais, aurait été apportée pour le baptême de Clovis par une colombe descendue du ciel, croyance qui demeurera vivace jusqu’à la Révolution.

Louis XIV et Louis XV opérèrent encore des guérisons de scrofules et d’écrouelles dont nous avons de nombreux procès-verbaux.

« On voit le Roi accomplir ce prodige, non seulement dans son royaume, — lisons-nous dans la relation de la légation Chigi à Paris, en 1664, — mais dans les Etats étrangers. Aussi, quand le roi Jean Ier fut prisonnier à Londres après Poitiers et François Ier détenu à Madrid après Pavie, Anglais et Espagnols s’empressèrent-ils de profiter d’une aussi bonne occasion. « Ces deux rois y guérirent, dit la relation de Chigi, bien des malheureux atteints de semblables maladies.

Le Bolonais Locatelli, d’une part, et de l’autre un Allemand, le docteur Nemeitz, donnent la description de la cérémonie à laquelle ils ont assisté au Louvre. Les malades, atteints de scrofules et d’écrouelles, sont rangés sur deux longues files. Louis XIV pose la main sur la tête de chacun d’eux et dit :

« Dieu te guérisse. »

Puis il l’embrasse. Il y avait là, parfois, huit cents malheureux atteints de ces maladies de peau. Durant toute la cérémonie roulait le tambour des Suisses.

Marie-Thérèse, la femme de Louis XIV, avait fait disposer une maison à Poissy où étaient reçus et logés les malheureux qui venaient, souvent de contrées lointaines, afin de se faire toucher par le Roi : ils y attendaient le jour fixé pour la cérémonie et y étaient encore soignés quelque temps après.

Les contemporains ont laissé de minutieuses descriptions