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l’année dernière, que du Jugement universel, entendu ce printemps. In patris memoriam, autant qu’un hommage, ce titre seul est une prière, et qui fut exaucée. De là-haut, sur le travail du jeune maître de la chapelle Sixtine, le vieux maître de chapelle de Tortone a dû veiller, et dans le tendre, pur et pieux hommage offert à sa mémoire, l’âme du père aura reconnu l’âme de l’enfant.

Le texte de la cantate, pris dans l’Office des morts et dans le Livre de Job, est chanté par des chœurs et par un soprano solo tour à tour. Il exprime tantôt l’affliction, presque le désespoir, et tantôt l’espérance ; ici l’ennui, la crainte, l’angoisse, ailleurs la confiance et la paix ; il se termine par la prière liturgique et par la demande, pour celui qui s’est endormi dans le Seigneur, de la lumière et du repos éternel.

Le premier morceau, qui n’est que triste d’abord, s’anime, j’allais dire s’irrite bientôt. L’appel, ou le recours au Seigneur, se change en reproche, en débat éloquent et hardi. « Je demanderai à Dieu : Pourquoi me jugez-vous ainsi ? Qu’est-ce qui paraîtra bon devant vos yeux, si vous me calomniez, si vous m’accablez, moi, l’ouvrage de vos mains. » L’idée, — je parle de l’idée musicale, — autant que l’autre, est dramatique. Le chant, le mouvement, le rythme (en triolets écrasans), la répétition martelée des paroles (opprimas, opprimas, opprimas me), tout exprime avec une singulière audace, en même temps que la pitié, l’émoi, voire l’horreur, devant l’ouvrage le plus beau des mains divines, par ces mains elles-mêmes outragé. Le désordre de l’âme a passé dans la musique et l’égaré. Il l’emporte du moins jusqu’à des notes hautes, d’où la voix toujours irritée jette comme une protestation dernière. Alors tout se détend et retombe. Sur des triolets encore, non plus inégaux et rudes, mais unis au contraire et coulans, se déroule un chœur harmonieux. Facile, aimable en est la mélodie, que suffit à sauver de la banalité, çà et là, quelque note altérée suivant une inflexion quasi grégorienne et liturgique.

Le monologue initial est loin d’être conçu dans la forme de l’ « air, » que des périodes symétriques partagent. Pas de strophes, ou de couplets, ni de reprises, mais, accompagné par un orchestre mobile, changeant et toujours expressif, le plus libre développement de la pensée et du discours. Avec cela, de la suite et de l’ordre, le sens de la composition et de l’équilibre, et, pour établir l’unité de l’ensemble, des rappels et des points de repère ; enfin, sans trace nulle part de pastiche ou de scolastique, partout les signes de l’art classique et latin.

La cantate entière est conduite à la façon d’un dialogue, où la voix