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amoureux. Ils sont dans la manière, affaiblie et parfois affadie, de Pétrarque. Plus d’un pourtant justifie ce beau vers, promesse et programme de sincérité, que le recueil porte comme épigraphe :


Pianger cercai, non gia’ del pianto onore,
J’ai cherché à pleurer et non la gloire des pleurs.


Le second poète, chez Marcello, ne se proposa que de racheter l’autre. Les Sonetti a Dio, la Redenzione, pieuse épopée en vingt chants, que l’auteur ne put terminer, sont des œuvres pour ainsi dire expiatoires. L’année 1728, mémorable deux fois dans la vie de l’artiste, fut celle de son mariage et de sa conversion, ou de son retour. Non pas qu’il eût à revenir de bien loin, et par l’esprit au moins, ou contre l’esprit, il n’avait point péché. Mais un accident singulier changea sa vie et la remit d’accord avec sa croyance. Comme il visitait un jour l’église des Saints-Apôtres, une pierre sépulcrale ayant cédé sous ses pieds, il tomba dans le caveau jusqu’à mi-jambe. Son imagination frappée lui montra dans cette chute, avec un présage de mort, un avertissement de la Providence, et dès lors, il devint un homme nouveau. Éloquens, sincères comme les sonnets d’amour, quelquefois avec un peu d’emphase ou de maniérisme aussi, les Sonetti a Dio sont le poème du repentir. Et la conduite même de Marcello parut désormais d’un pénitent. Dès le lendemain de sa funèbre chute, il commença de donner les marques d’une ardente piété. Délaissant de plus en plus la musique pour la poésie, et la poésie édifiante, sa vie pendant ses dernières années fut presque d’un religieux, partagée entre la méditation et la prière, l’assistance aux offices et la réception des sacremens. S’il dérobait quelques instans à ses dévotes pratiques, c’était pour se promener, quelquefois en sainte compagnie et toujours en silence, ou bien pour travailler encore aux Sonetti a Dio, à la Redenzione, espérant de l’un et de l’autre ouvrage son propre amendement et la conversion des pécheurs.

Il mourut le 24 juillet 1739 et l’on rapporte que, près d’expirer, il solfiait d’une voix défaillante ce verset du Miserere par lui mis en musique : « Amplius lava me et ab omni iniquitate meâ munda me. » Telle fut, en sa dernière partie du moins, la vie de Marcello, et dans le décor somptueux, éblouissant, où nous en relisons l’histoire austère, elle nous fait un peu l’effet d’un paradoxe ou d’une contradiction.

Mais à d’autres égards et par des caractères opposés, par la gaîté,