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dames... Tous les princes et seigneurs ne furent plus occupés que du soin d’ordonner ce qui leur était nécessaire pour paraître avec éclat et pour mêler dans leurs chiffres ou dans leurs devises quelque chose de galant qui eût rapport aux personnes qu’ils aimaient. » Ces seigneurs et ces princes savaient par cœur les vers si bien sonnans que Ronsard leur avait composés :


Trois guerriers inconnus de nation étrange
Ont laissé leur pays, désireux de louange,
Pour venir éprouver avecque le harnois
La force et la vertu des chevaliers françois,
Afin qu’en acquérant honneur par leurs prouesses
Soient dignes d’être aimés de leurs belles maîtresses.
Chacun courra trois coups en masque...


Sortons des fêtes et des cérémonies de la Cour : c’est toute la vie du XVIe siècle dont la poésie de Ronsard nous offre l’image ou nous apporte l’écho. Elle retentit du choc des armes et flamboie du harnais des soudards « et des clairs morions crêtes de longs panaches. » La prise de Metz, les piques qui s’élancent aux sons des tambourins, nos soldats qui dans leurs casques boiront l’eau du Rhin comme si c’était l’eau de la Loire ou l’eau de la Garonne, le dénombrement des forces du royaume « Messeigneurs de Vendôme et Messeigneurs de Guise, » l’outrecuidance des Espagnols châtiée, l’arrogance des Anglais contrainte, la France enfin ne connaissant qu’un seul Roi : tel est le fond glorieux des Hymnes, des Poèmes et même des Églogues de Ronsard.

Puis, voici la Paix douce aux Muses et aux Arts, et toutes les Provinces du Royaume qui se lèvent chargées des présens de leur terre : l’Auvergne riche en troupeaux ; la Champagne et la Beauce riches en blé ; la Provence,


Où l’abondance pleine
De sillon en sillon fertile se conduit,
Portant sa riche corne enceinte de beau fruit.


Le peuple a dansé autour des feux de joie dressés dans les carrefours ; et les seigneurs féodaux, qui font leur apprentissage de courtisans, mais qui n’en restent pas moins passionnés pour les rudes exercices, et que le Roi lui-même entraîne, retournent à leur jeu de paume, à leurs courses de bagues, à leurs chasses violentes. Je me les représente le soir à la Cour ou dans leur