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même diminué de prix. Cette objection n’a, croyons-nous, aucune valeur et ne prouve rien contre la généralité du mouvement ascensionnel des prix.

La baisse et la longue dépression du cours des vins résultent de l’abondance extraordinaire de la production naturelle, et, peut-être, de la production industrielle frauduleuse. Cela est si vrai que le prix du vin est resté élevé, tant que notre récolte a été réduite par les ravages du phylloxéra, et qu’il s’est abaissé soudain au moment même où nos vignobles reconstitués ont permis de doubler la production dans l’espace de quelques années. On a, en outre, constaté maintes fois que la hausse succédait à la baisse toutes les fois que des circonstances climatériques défavorables réduisaient le chiffre de la récolte.

La baisse ou la stagnation prolongée des cours du vin ne prouvent donc nullement que le prix des denrées agricoles n’ait pas une tendance marquée et générale à s’élever. Quand il s’agit des cours et de leurs variations, nous n’observons jamais qu’une résultante. Il faut donc tenir compte des exceptions en distinguant les causes qui les expliquent, de même qu’il est nécessaire d’observer des moyennes générales, au lieu de se contenter de noter des fluctuations contingentes et passagères.

La hausse récente est d’ailleurs la règle et non pas l’exception. Dans une étude impartiale et précise, M. Levasseur[1] signalait ce mouvement, en 1909, pour la viande :

« Le prix qui avait été variable de 1880 à 1900, a augmenté chaque année presque partout depuis 1900. A Paris, le kilogramme était coté 1 fr. 79 en 1900 et 2 fr. 44 en 1908 ; l’année 1905 présente seule un arrêt dans cette hausse qui, en neuf ans, n’a pas été de moins de 39 p. 100...

« Quand on dresse les courbes du prix de la viande de boucherie d’après les tableaux de chiffres contenus dans les statistiques décennales de l’agriculture et continués par la statistique annuelle, on voit les quatre courbes (afférentes aux quatre catégories d’animaux) affecter les mêmes ondulations en hausse et en baisse. Ce faisceau monte, puis il baisse jusqu’en 1888, il se relève ensuite jusqu’en 1891, baisse de nouveau jusqu’en 1893, remonte en 1894-95, lentement d’abord, rapidement enfin, et atteint, en 1907, le niveau le plus élevé. »

  1. Enquête sur le prix des denrées alimentaires, Revue économique internationale, mai 1909.