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Depuis 1907 le cours de la viande et du bétail n’a pas cessé de s’élever encore. Les plaintes retentissantes des ménagères ameutées attestent même l’ampleur autant que la réalité de ce mouvement des prix. Sa généralité n’est pas douteuse, et il importe de ne pas oublier que le bétail abattu représente dans notre pays plus de 1 700 millions de francs, soit près de la moitié du produit brut agricole d’origine animale[1].

Le bétail et la viande qu’il fournit ne sont pas d’ailleurs les seules denrées que la hausse ait affectées depuis dix ans. Une matière première dont l’importance est hors de pair, la laine, subit la même influence. Un spécialiste autorisé, M. Ch. Marteau de Reims, a bien voulu nous communiquer les prix cotés, et relevés par lui depuis 1895, pour un type bien défini, la laine de Champagne lavée à fond. De 1895 à 1899, le cours ne dépasse pas 3 fr. 50 par kilogramme ; il s’élève, en revanche, à 3 fr. 90 de 1900 à 1904, et à 4 fr. 80 de 1905 à 1909. La hausse ressort à 1 fr. 30 ou à 37 pour 100 !

La laine n’offre pas un intérêt très grand au point de vue agricole dans notre pays, qui ne produit guère plus qu’une valeur de 48 à 50 millions de francs chaque année. Mais l’industrie française achète, en revanche, une énorme quantité de cette matière première. Nos importations représentaient 562 millions de francs en 1909, 458 millions en 1908, et 580 millions en 1907. La hausse de la laine a donc une importance considérable et ses répercussions économiques intéressent tous les consommateurs.

L’élévation des prix affecte une autre matière première industrielle dont la production s’est pourtant accrue avec une extraordinaire rapidité. Nous voulons parler de la soie. Dans l’espace de trente ans, de 1878 à 1908, la quantité de soie mise à la disposition de l’industrie dans le monde a plus que doublé ; elle a passé de 9 à 20 millions de kilogrammes. Pendant près de vingt ans, il est vrai, jusqu’en 1898, la cote des soies a fléchi, mais la baisse est arrêtée depuis dix ans, et la hausse se dessine malgré les brusques variations en sens inverse qu’expliquent des crises momentanées comme celle de 1907. Il suffit de jeter les yeux sur un des graphiques si intelligemment dressés par la maison Chabrières, Morel et Cie de Lyon, pour vérifier l’exactitude de notre conclusion.

  1. Voyez l’Enquête agricole de 1892 et notre ouvrage sur la Crise agricole, 1 vol., Paris, Masson, 1904.