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d’un chef doit être fortement trempé, car il devra prendre des décisions viriles, entraînant le sacrifice de nombreuses vies humaines, décisions d’où dépendront son honneur, et, plus encore, le salut même du pays. Comment obtenir une pareille résolution d’un courtisan habitué à toutes les compromissions qu’il croit profitables ?

La République doit aimer et pousser les hommes de caractère et choisir les chefs de son armée d’après leur valeur professionnelle et surtout d’après leur valeur morale. Elle trouvera dans ses rangs tous les hommes aptes aux plus hauts commandemens ; elle y trouvera, car ils y sont légion, des hommes au loyalisme éprouvé qui méritent toute sa confiance. Laissons l’armée à sa noble et belle mission ! Écartons d’elle toutes nos dissensions politiques. Je ne serais pas éloigné de penser que telles sont, du reste, les vues de hautes personnalités qui ont une action prépondérante aujourd’hui dans les Conseils du Gouvernement et au Parlement.

En résumé, la nouvelle organisation du haut commandement constitue un progrès réel qu’on ne saurait contester sans mauvaise foi ; elle est néanmoins perfectible, comme toutes les choses humaines. Notre doctrine tactique a été l’œuvre de notre Ecole supérieure de guerre ; notre doctrine stratégique sera l’œuvre du Centre de Hautes Etudes militaires. L’une et l’autre se maintiendront chez nous par la tradition dans ces deux institutions, tout en sachant évoluer, comme j’ai essayé de le montrer. Il y aura donc bientôt unité de vues complète dans notre armée. Les institutions sont bonnes et l’on en tirera le meilleur parti, si l’on choisit bien les hommes mis à leur tête, et j’estime, en toute conscience, que, malgré les paroles de de Moltke, nous n’aurons prochainement rien à envier aux Allemands en tout ce qui touche le haut commandement et nos états-majors, tout au contraire.


Général H. LANGLOIS.