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que les profits attachés à sa culture augmentent ou diminuent. La libre concurrence provoque ces deux mouvemens en sens inverse ; et d’autre part, nous venons de le voir, la hausse des prix élève le niveau ordinaire des bénéfices culturaux. Il est donc certain que la valeur locative des biens fonds ruraux augmente pendant les périodes de hausse de même qu’elle diminue pendant les périodes de baisse.

Une expérience séculaire confirme cette vue théorique qui a seulement les apparences d’une simple déduction logique. On a vu grossir le montant des fermages à la fin du XVIIIe siècle aussi bien qu’au milieu du XIXe, c’est-à-dire au moment où le prix des produits subissait la hausse générale, persistante et considérable que nous signalions dans la seconde partie de cette étude.

Enfin, l’élévation des loyers agricoles provoque, à son tour, une augmentation correspondante du prix des terres, c’est-à-dire de leur valeur vénale. La terre vaut plus parce que les revenus quelle donne, aussi bien que les profits attachés à sa culture, ont augmenté en même temps.

Ainsi les cultivateurs ne sont pas seuls intéressés à voir les prix monter. Les propriétaires fonciers, et notamment les propriétaires qui confient à des locataires le soin d’exploiter leurs domaines, tirent un avantage certain de la hausse des produits agricoles. C’est ce que l’on a constaté dans le passé ; c’est ce que l’on constatera sans nul doute d’ici quelques années.

On voit par suite que l’étude historique des variations de prix nous instruit et nous révèle clairement l’exceptionnel intérêt du phénomène économique que nous observons en ce moment. Le revenu des propriétés rurales représente en France 2 milliards de francs, et la valeur du sol dépasse sans doute aujourd’hui 75 milliards. La baisse récente des produits de la terre avait probablement réduit de 20 à 25 pour 100 le revenu antérieur et la valeur énorme du capital correspondant. Il y a trente ans, on estimait, en effet, que les valeurs locatives et vénales de la terre française s’élevaient respectivement à 2,645 millions et à 91 milliards. Si la hausse des cours fait monter le chiffre des loyers et des prix actuels du sol jusqu’au niveau précédemment atteint, on voit qu’elle exercera une influence marquée sur la répartition des richesses. Un accroissement de revenu égal à 600 millions de francs et une plus-value de 15 à 16 milliards assurée à la propriété foncière rurale,