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l’Allemagne où elle va faire l’admiration d’Anspach et le bonheur de son margrave.

Chez Mme Saurin, femme de l’académicien, auteur de Spartacus, on se réunissait jusqu’à trois fois la semaine, dans des dîners ou des soupers. Il y avait là M mes Broutin et Pourat, l’abbé Arnaud, Delille, Morellet, Collé. Le goût y était aux impromptus. « Nous avons soupé, il y a quelques jours, chez Mme Saurin. Elle aime beaucoup les vers et en fait quelquefois de fort jolis. Elle adressa, après souper, ce petit couplet à M. de La Harpe et à l’abbé Delille qui venait de nous lire un chant de sa traduction de Pope :


Le plaisir de vous entendre
Fait éprouver à mon cœur
Un sentiment doux et tendre
Dont le charme est enchanteur.

La plus touchante harmonie
Anime tous vos accens ;
Dons précieux du génie,
Agréez mon faible encens.


M. de La Harpe répondit, la minute d’après, par ce couplet :


Un son de voix aussi tendre
Est fait pour des vers si doux,
Quand on a pu vous entendre,
On ne chante que pour vous.

La plus touchante harmonie
Serait de vous répéter ;
Le plus beau don du génie
Serait de vous imiter.


Voilà tout ce que je puis vous envoyer de lui pour le moment. » Pardonnons à Saurin les vers de Mme Saurin, et ceux de ses convives, — et même les siens, — en faveur de celui-ci qu’il avait fait pour mettre au buste de Molière destiné à être placé dans la salle des séances de l’Académie :


Rien ne manque à sa gloire, il manquait à la nôtre.


L’abbé Morellet donnait un déjeuner les premiers dimanches du mois. La chère y était maigre, mais les convives étaient de choix. Condorcet, qui y venait, en compagnie de d’Alembert et du chevalier de Chastellux, en écrit à Mme Suard : « Il n’y a rien