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feront peu d’effet au théâtre, parce que la foule des beaux vers laisse trop respirer l’auditeur. » Je ne doute guère que parmi ces morceaux éloquens il ne plaçât la tirade de Mme de Faublas sur la paix trompeuse des couvens :


Sous ces lambris sacrés quand nous portons nos pas,
Tout semble calme et doux, jusqu’à l’air qu’on respire...
Mais percez plus avant, pénétrez ces cellules,
Ces réduits ignorés où des esprits crédules,
Désabusés trop tard et voués au malheur,
Maudissent de leurs jours la pénible lenteur !
C’est là que l’on gémit, que des larmes amères
Baignent pendant la nuit les couches solitaires,
Que l’on demande au ciel, trop long à s’attendrir,
Ou la force de vivre, ou celle de mourir...


En écoutant ces vers et aussi la confidence de la religieuse à Mélanie, le souvenir nous revient d’une situation analogue et d’une déclamation qui a le même accent. « Tu me parles d’une religieuse qui me paraît avoir eu sur toi une influence funeste, dit Perdican à Camille. Il y a deux cents femmes dans ton monastère et la plupart ont au fond du cœur des blessures profondes ; elles te les ont fait toucher et elles ont coloré ta pensée virginale des gouttes de leur sang... O mon enfant, sais-tu les rêves de ces femmes qui te disent de ne pas rêver ? Sais-tu quel nom elles murmurent quand les sanglots qui sortent de leurs lèvres font trembler l’hostie qu’on leur présente ? » On ne joue plus, on ne lit plus Mélanie, mais on joue encore et on lira toujours On ne badine pas avec l’amour. Ainsi un écho du vieux mélodrame philosophique et larmoyant nous arrive à travers le proverbe du poète toujours jeune.

D’autres fois, c’est à Sannois que Mme Suard est en séjour. Dans la bonne disposition où la met l’accueil qu’elle reçoit, elle ne trouve rien de plus édifiant que l’union de Saint-Lambert et de Mme d’Houdetot, et ne tarit d’éloges ni sur l’exquise politesse du poète, ni sur les grâces de son amie. « Elle a le cœur d’un enfant avec un esprit plein d’agrément. Personne ne saisit ni mieux, ni plus vite, tout ce qu’il y a de bon et d’aimable dans les hommes et dans les choses. Son âme ne parait remplie que des sentimens d’amour et d’indulgence ; elle les répand avec profusion sur M. de Saint-Lambert, dont les constantes et tendres attentions pour elle m’offraient un tableau d’union que je n’avais