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France traitoit ses sujets comme cela, s’il se tenoit caché quinze jours à Saint-Germain ou à Fontainebleau, on croiroit qu’il ne seroit plus... Les François veulent presser leur prince, aussi bien en la paix comme à la guerre. » Par la manière dont les rois vivent avec leurs sujets, déclare Fontenay-Mareuil, « ils paraissent plutôt leurs pères que leurs maîtres. » Ce sont les « familiarités » dont parle Choisy.

Les diplomates étrangers sont étonnés de voir Henri IV disposer lui-même les sièges de la Grand’ Chambre, où il doit leur donner audience. De même aux soirées de la Cour. Le Roi range son monde : une petite baguette à la main, il fait élargir le cercle des spectateurs au milieu duquel doivent trouver place les comédiens italiens. A quoi Henri IV s’entendait à merveille. « Vous n’auriez vu dans aucune résidence un salon mieux disposé, ajoute Dallington ; mais rien n’est plus dérogatoire à la majesté royale. »

Sous Louis XIII, encore, les divertissemens de la Cour ont des allures populaires : on y danse aux chansons des bourrées et des branles, des tresses et des caroles, jusqu’à des sabotières, — dames et cavaliers formant des rondes, en se tenant par la main et en tournant avec l’entrain des noces de villages. Les distances s’effacent : les femmes engagent les hommes en leur présentant des bouquets ; le Roi même prend part à l’assemblée comme un simple particulier ; la première venue peut le venir inviter à la danse.

Venons à Louis XIV.

« S’il est un caractère singulier en cette monarchie, écrit-il lui-même en ses Mémoires, c’est l’accès libre et facile des sujets au prince ; » et, dans ses fameuses instructions pour le Dauphin : «. Je donnai à tous mes sujets sans distinction la liberté de s’adresser à moi, à toute heure, de vive voix et par placets. »

Il écrit encore : « Je m’imposai pour loi de travailler régulièrement deux fois par jour, et deux ou trois heures chaque fois, avec diverses personnes, sans compter les heures que je passais seul en particulier, ni le temps que je pouvais donner aux affaires extraordinaires, s’il en survenait, n’y ayant pas un moment où il ne fût permis de m’en parler, pour peu qu’elles fussent pressées, à la réserve des ministres étrangers, qui trouvent quelquefois, dans la familiarité qu’on leur permet,