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de très favorables conjonctures, soit pour obtenir, soit pour pénétrer et que l’on ne doit guère écouter sans y être préparé. »

Ce qui inspire à La Bruyère ces lignes si souvent citées :

« La vraie grandeur est libre, familière, populaire. Elle se laisse toucher et manier ; elle ne perd rien à être vue de près : plus on la connaît, plus on l’admire... Son caractère est noble et facile, inspire le respect et la confiance, et fait que les princes nous paraissent grands, et très grands, sans nous faire sentir que nous sommes petits. »

Façons auxquelles répondent la tenue et l’habillement du Roi. En dehors des cérémonies où il doit se parer d’atours traditionnels, son vêtement est commun et simple. Les visiteurs sont surpris de constater que maître Robert de Sorbon, « fort aimé de saint Louis et toujours proche de lui, est habillé de plus riche camelin que le monarque. » Après être revenu de sa première croisade, le bon Roi ne met plus que des vêtemens de si mince valeur qu’il estime en faire tort aux pauvres qui ont coutume d’en obtenir la « livrée, » et il charge son aumônier de les en indemniser jusqu’à concurrence de 60 livres (6 000 francs de notre monnaie) par an. Sans pousser la modestie de leur garde-robe aussi loin, ses successeurs revêtent également des surcots de petit prix, des pourpoints de futaine. Il était établi par la Cour des Comptes, suivant Bodin, que Louis XI portait un chapeau graisseux et des vêtemens de l’étoffe la plus grossière ; en ces registres on rencontre des mentions comme la suivante : « 20 sols pour une nouvelle doublure de laine au vieux manteau du Roi. » Jusqu’à François Ier, prince de la Renaissance, « on trouve personnages de petite étoffe, et quelquefois de vile condition, qui en font autant et plus que lui, » observe l’évêque Claude de Seyssel. Aussi quand était annoncé au palais quelque ambassadeur étranger, vite le Roi se faisait-il apporter une pièce de drap d’or, qu’il se faisait attacher sous les aisselles, afin de paraître un peu. Henri IV porte des habits fripés, délavés par la pluie ; Louis XIII des pourpoints aux tons neutres, ternes, en étoffe de bure. Locatelli, qui visite la Cour de Louis XIV, ne peut retenir son étonnement ; est-ce vraiment là ce prince si magnifique ? les gentilshommes de son entourage sont plus richement vêtus que lui. Il est habillé d’un simple justaucorps tirant sur le brun, avec une mince broderie, et, sur l’épaule le bouton d’or (rubans tenus par un bouton) qui distinguait