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il s’efforçait de s’emparer de la friandise. Mais la Reine dit, en la levant en l’air :

« — Si vous la voulez, mon mignon, j’exige d’abord que vous pardonniez au soldat l’injure qu’il ne vous a pas faite. »

Le petit bonhomme était toujours irrité et détournait la tête ; alors le Roi :

— Pour vous faire changer d’idée, ne suffit-il donc pas que votre père et votre mère vous disent qu’il n’a pas commis de faute ?

« Le Dauphin leva à ces mots les mains et le visage vers son père, comme pour l’embrasser ; le Roi se mit tout près de son fils et lui dit :

— Pardonnez-vous au soldat ?

— Oui, monsieur, répondit le Dauphin à mi-voix.

— Et pourquoi ?

— Parce que papa et maman le veulent.

— Et aussi parce que c’est votre devoir, ajouta le Roi. Puis il se pencha pour recevoir son baiser, et le Dauphin, lui jetant un bras autour du cou, faisait, de l’autre, signe à sa mère de lui donner cette friandise. La cérémonie terminée, le Roi et la Reine se retirèrent, ayant entre eux leur fils, qu’ils tenaient chacun par une main.

Ce jardin des Tuileries, Colbert aurait voulu le réserver à la Cour, l’interdire au public ; mais Perrault combattit son opinion : « Les jardins du Roi, disait-il, ne sont si grands et si précieux, qu’afin que tous leurs enfans puissent s’y promener. » Louis XIV se rangea à son avis et le jardin des Tuileries resta ouvert à tout le monde ; comme le sera le parc de Versailles. Un peuple si nombreux en remplissait certains jours les allées et les bosquets que Louis XIV ne pouvait plus s’y promener. La foule, qui se répandait dans ces magnifiques résidences, ne laissait pas que de s’y livrer à des excès ; au point que le Roi, effrayé des dégâts commis, ordonna en 1685 de ne plus laisser entrer dans les jardins que « les gens de la Cour et ceux qu’ils mèneraient avec eux ; » mais bientôt le Roi revient aux traditions. Il va jusqu’à faire enlever les grilles qui entouraient les bosquets, voulant, raconte Dangeau, « que tous les jardins et toutes les fontaines fussent pour le public. » Et les dégâts de reprendre avec un vandalisme nouveau : mutilation des fontaines, plombs volés, marbres brisés, inscriptions d’amoureux gravant sur les chefs-d’œuvre des Coysevox et des Girardon leurs « lettres » l’une